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Un timbre à l'effigie de Rod laver
commémore l'événement. 24 Jan 2003
(47) 1969 Le deuxième grand 
chelem de Rod Laver
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Épisode précédent : 1968 Les difficiles débuts de l'ère open

Épisode suivant : 1970 WCT contre Grand Prix


Et nous voici arrivés enfin à ce qui peut être considéré comme le plus grand exploit tennistique de tous les temps. Car ce deuxième grand chelem de Rod Laver a une toute autre signification que le premier, c'est un "vrai" grand chelem: les barrières entre amateurs et professionnels viennent de tomber et pour la première fois depuis les années 30, les quatre tournois du grand chelem sont ouverts sans restrictions aux meilleurs joueurs du monde. Pour mieux mesurer la valeur de ce deuxième grand chelem, il faut rappeler que bien peu de joueurs ont depuis ne serait-ce qu'approché cette perfoamnce : Jimmy Connors en 1974 et Mats Wilander en 1988 ont remporté trois titres la même année. André Agassi a gagné les quatre titres du grand chelem mais cette performance s'est étalée sur plusieurs années. Pete Sampras a remporté trois titres consécutifs en grand chelem, mais sur deux années en 1993 et 1994. Enfin, le suisse Roger Federer a depuis 2003 approché plusieurs fois l'exploit : trois petits chelems en 2004, 2006 et 2007, et en ces deux dernières occasions, ratant le grand chelem d'un match. 

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Au début 1969, l'australien a 30 ans, il est au sommet, N°1 mondial depuis plusieurs années. Avec le retour des professionnels sur le circuit des grands tournois, il peut songer à un deuxième grand chelem. Rod Laver au cours de cette année s'est donné quatre fois rendez-vous avec son tennis... et avec la chance. Pour le candidat au grand chelem qu'était Rod Laver, il n'y avait pas d'alternative: il lui fallait être le meilleur parmi les meilleurs, quatre fois de suite, dans les plus grands tournois de tennis du monde. La première étape lui tient particulièrement à cœur. En effet, le premier open d’Australie de l'histoire se déroule à Brisbane. (Le tournoi était intinérant à cette époque et tournait entre Melbourne, Adelaïde, Sydeney et Brisbane). Or Brisbane était la capitale du Queensland, tout près de Rockhampton, la ville natale de Laver, justement! C’est le grand retour au pays après des années d’absence et d’errance pour cause de professionnalisme. Pour Rod Laver, la perspective de jouer devant son public, de retrouver ses amis et sa famille, sont autant de raisons qui vont décupler sa motivation.

Le stade de Brisbane, archicomble pendant
un double de coupe Davis.
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Laver avec son petit chapeau
Indispensable par 35° à l'ombre...
  Les professionnels australiens ne furent pas accueillis comme des enfants prodigues. Les dirigeants australiens continuaient de mépriser ces mercenaires qui n’avaient pas de comptes à rendre à leur fédération nationale. Pour couronner le tout, les droits de télévision avaient été vendus sans demander à occulter la région de Brisbane, ce qui eut pour effet de décourager les candidats spectateurs. Le tournoi se déroula du début à la fin devant des tribunes à moitié vides… La meilleure assistance du tournoi eut lieu en 8ème de finale pour le match Emerson-Laver, qui étaient les deux enfants du pays. Et même ce jour là, le stade de 8000 places était loin d’être plein.
Mais revenons au tennis. Après deux  matchs difficiles contre Emerson et Stolle, Laver retrouve en demi-finale Tony Roche. Cela ne s’annonçait pas facile pour Laver qui avait perdu la semaine précédente en finale contre Roche les championnats de Nouvelle Galles du Sud. Joué sous une chaleur accablante de plus de 35° à l’ombre, le match connut d’invraisemblables rebondissements. A l’issue d’un deuxième set marathon de plus d’une heure, Laver menait deux sets à rien 6-3 et 22-20 ! Fatigué, il concédait le troisième de justesse 11/9. Après le repos, Roche déchaîné mena rapidement 5/0 puis 6/1. A 5/0, Laver s’était battu pour gagner son service et pouvoir servir le premier dans la dernière manche. Sage précaution puisque chacun gagnant son service dans la dernière manche, Roche servit à 3/4 pour égaliser. A 15/15 tout était encore possible quand Roche regarda filer le retour en revers croisé de Laver qu’il voyait largement dehors. Ce ne fut pas l’avis de l’arbitre qui maintint sa décision. Énervé, Roche tenta de discuter, mais ne put retrouver son calme pour le point suivant: il mit sa volée dans le filet. A 15/40, la pression était sur lui, et c’est Laver qui tenta sa chance par un passing de revers que Roche ne put que toucher…. C’était fini et le dernier jeu ne fut plus qu'une formalité. Laver avait son billet pour sa première grande finale de l’année. Il faut toujours un peu de chance ici ou là pour réussir un grand chelem…
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Dans l’autre moitié du tableau, c’est l’espagnol Andres Gimeno qui crée la surprise en battant successivement Rosewall, Butchholz et l’amateur australien Ruffels. Naturellement plus à l’aise sur terre battue, Gimeno fit à cette occasion un excellent tournoi et confirmait ainsi sa place dans les dix meilleurs joueurs du monde (Il avait longtemps été classé N°3 chez les professionnels derrière Laver et Rosewall). Sa seule faiblesse était de ne pas croire à ses chances face à des joueurs plus forts que lui. Face à Laver, Gimeno fit un bon match mais semblait subir résigné les attaques de l’australien, comme si cette place en finale suffisait à son bonheur... Laver l’emporta trois sets à zéro et compléta  son succès par une victoire en double associé à Emerson. Un joli doublé qui permettait à Laver d’envisager l’avenir avec sérénité.
Si la victoire était belle, le bilan financier l'était moins. Joué devant un maigre public, le tournoi fut  déficitaire, ce qui était un comble comparé aux immenses succès populaires et financiers qu'avaient été les trois autre tournois "Open" de grand chelem en 1968. La conséquence fut que l'année suivante, le dirigeants australiens refusèrent de négocier avec les groupements professionnels et que Laver ne revint pas défendre son titre...
Cette première levée réussie devait guider la motivation de Laver durant le reste de la saison. Mais il n’en avait pas fini avec Tony Roche. Dès la semaine suivante, les deux hommes se retrouvaient en finale des internationaux de Nouvelle Zélande à Auckland, et c’est Roche qui réussit à prendre sa revanche. Diminué par une vieille blessure à l’épaule qui venait de se réveiller, Laver avait peut-être déjà la tête ailleurs: à Paris probablement, où la terre battue de Roland-Garros l’attendait pour les deux semaines les plus dures de l’année…

 


Roche, le grand rivale de Laver en 1969
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Deuxième levée Roland-Garros : A l’Est, du nouveau
Après quelques tournois aux États-Unis et en Afrique du Sud, tout le monde se retrouve sur la terre battue de Roland-Garros. Cette fois personne ne manque à l’appel et le climat politique est plus serein qu'en mai 68, à peine perturbé par l'élection présidentielle en cours. Les meilleurs spécialistes européens vont pouvoir affronter tous les professionnels en exercice. Dès le deuxième tour, Rod Laver, tête de série N°1, connaît des problèmes face à un amateur australien entreprenant Dick Crealy. Ce dernier bon serveur et bon attaquant comme tous ses compatriotes, était dans un bon jour, ce qui n’était pas le cas de Laver. Rapidement mené deux sets à rien, Laver put heureusement profiter d’une baisse de régime de son adversaire pour empocher le troisième set avant la nuit. Condamné à gagner deux sets le lendemain, Laver réussit à persuader son partenaire de double Emerson de se lever à 8h du matin pour venir l’entraîner une bonne heure avant la reprise du match. Le match reprend à 10h30 sur le court central désert. Mal réveillé, Crealy perd le quatrième set, mais rentre dans le mach au cinquième. Ayant servi le premier, il fait la course en tête. La pression est sur Rod Laver qui a une balle de 5/4 contre lui. Mais là, oh surprise, Crealy veut trop bien faire et sort sa volée d’un cheveu alors qu'il avait tout le court! Sa chance est passée: sur les deux services suivants, Laver fait deux retours liftés dans les pieds de son adversaire qui ne peut volleyer. C’est fini. Sur son service à 5/4, Laver ne laisse pas passer l’occasion, tout content de sortir enfin de ce mauvais pas.
 

Deux sets à rien pour Crealy.
Ça n'a pas l'air d'aller trop fort pour Laver qui 
semble se demander comment il va s'en sortir.
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5 juin 1969 : photo d'avant match pour la deuxième finale
consécutive Laver-Rosewall. C'est la revanche de 68.
  Il n’y aura pas d’autres difficultés. Jouant de mieux en mieux, Laver se débarrasse plus facilement ensuite de Stan Smith, Andres Gimeno et Tom Okker. Il retrouve en finale son vieux cauchemar sur terre battue, son vainqueur de l’année dernière, son vieux compatriote, rival et ami, Ken Rosewall. Ce dernier, à 34 ans, est encore le favori du tournoi. Il s’est littéralement promené jusqu’en finale, balayant même en demi-finale Tony Roche en trois petits sets. Tenant du titre, Ken Rosewall n'a encore jamais perdu contre Laver sur terre battue. 
Le samedi de la finale, le stade est littéralement pris d'assault par les candidats spectateurs (A cette époque, on trouvait encore des places à vendre le jour de la finale...). Dans un stade archi comble, le public enthousiaste attendait beaucoup de cette confrontation entre les deux meilleurs joueurs du moment. 

Deux attitudes de Laver à Roland-Garros


Couverture de Tennis de France, juin 1969
Hélas, le combat tourne court. Laver était-il en état de grâce, ou Rosewall dans un mauvais jour? Un peu des deux sans doute. Toujours est-il qu'après un début de premier set équilibré jusqu'à 4/4, c'est un cavalier seul de Laver auquel assiste le public médusé. Repoussé au fond du court, Rosewall ne peut attaquer, ses lobs sortent d'un cheveu, ses passings sont arrêtés par la bande, et ses volées manquent de précision... Laver à l'attaque ne rate rien. Un dernier sursaut de Rosewall au troisième set lui permet de refaire un break de retard pour recoller à 5/4. C'est du délire dans le stade quie espère un quatrième set. Mais c'est trop tard. Laver l'emporte 6-4 6-3 6-4. En double, Laver associé à Emerson rate d'un cheveu la victoire en double contre Newcombe-Roche. Au cinquième set, menant 4/3 40/0 sur son service, Laver est tout à coup persuadé que la match est gagné! Fatale erreur, comme il le reconnaîtra plus tard mais qui suffit à lui faire perdre sa concentration. Un premier service qui ne passe plus, un deuxième service imprécis et Laver ne fera jamais ce dernier point qui aurait été décisif. Relancés, Newcombe et Roche vont réaliser l'exploit de remporter 13 points de suite, et le match, et le titre!
Cinq australiens en quart, trois en demi et deux en finale, quatre encore en finale du double, rien ne semblait devoir remettre en question la suprématie des joueurs des antipodes. Et pourtant, le grand intérêt de ce Roland-Garros 1969 fut la révélation des joueurs de l'Est qui donnèrent bien du fil à retordre aux favoris. Ian Kodes le tchèque fit une extraordinaire partie contre Newcombe en 8ème de finale, ne s'inclinant que de justesse 11/9 au cinquième. Surtout, le chouchou du public fut le jeune yougoslave Zeljko Franulovic qui élimina Roy Emerson avant de tenir tête cinq sets à Tony Roche. Accrocheurs au toucher de balle magique, spécialistes de la terre battue, ces deux joueurs des pays de l'Est étaient les dignes héritiers de Pietrangeli et de Santana. Ils montrèrent qu'on pouvait pratiquer avec succès un tennis plus imaginatif que le jeu quelquefois un peu monocorde des australiens. Détail curieux, le roumain Ilie Nastase, qui s'était déjà fait remarqué par ses performances en double avec Tiriac les années précédentes, perd sans gloire au premier tour contre un anglais. Il fera pourtant cette année là une extraordinaire campagne en coupe Davis, emmenant à lui tout seul son pays en finale de l'épreuve contre les États-Unis.
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Wimbledon : Un Hindou rate son smasch !
Après cette victoire sur la terre battue de Roland-Garros, le plus dur semblait avoir été fait sur la longue route d'un second grand chelem. La saison sur herbe s'annonçait plus sereine. A Wimbledon, Laver était invaincu depuis ... 1961 et une quatrième victoire était largement à sa portée. Pourtant, au tournoi préparatoire du Queens, il est battu par Newcombe en finale. Tout comme Roche, Newcombe  est aussi un candidat sérieux à la succesion de Laver qui ne manquerait pas de s'ouvrir un jour prochain. Voilà Laver prévenu, ce ne sera pas facile...
C'est pourtant un modeste hindou du nom de Premjit Lall qui va lui poser de gros problèmes dès le deuxième tour. Bon joueur sans génie, Pall était surtout connu pour être solide en coupe Davis et très à l'aise sur herbe. Et voilà que devant un Laver au jeu imprécis, il mène rapidement deux sets à rien et 3/3 sur son service. Dans les tribunes de Wimbledon, la rumeur commence à se répendre que Laver est en danger sur le lointain court N°4 qui ne peut accueillir qu'une centaine de spectateurs. La foule curieuse se presse autour de l'enceinte, et ceux qui ne peuvent pas voir se contentent d'écouter l'arbitre annoncer le score. Au septième jeu, Laver s'accroche encore, attendant une baisse de régime de son adversaire. A 30A le lob de Laver est un peu court, le smash à venir paraît imparable, mais pour la première fois de la partie, l'indien commet une bévue et le smash se perd au fond du court. Laver ne laisse pas passer l'occasion et réussit un retour gagnant au point suivant. C'est fini et l'austraslien remporte curieusement les 15 derniers jeux !

Echaudé, Laver retrouva sa concentration dans les tours suivants. Mais en huitième de finale, il rencontrait Stan Smith, 1m90 et détenteur de la coupe Davis avec l'équipe américaine. Le géant californien avait fait d'énormes progrès en service et en déplacement, ce qui en faisait un joueur très dangereux sur herbe. Mené deux sets à zéro, Smith réussit à revenir au score, mais il eut la malchance au cinquième set d'avoir des balles de break à tous les jeux de service de Laver sans pouvoir en gagner une seule ! Mené 5/3, Smith réussit encore à mener 0/40 quand Laver réussit 5 premiers services de suite pour s'assurer la victoire. Laver le reconnaîtra plus tard, il s'en était fallu d'un cheveu que le sort de la partie ne bascule à ce moment là.

 


Ashe et Laver pendant
leur demi-finale
Wimbledon 1969

Newcombe pendant sa demi-finale 
contre Tony Roche

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Contre Arthur Ashe en demi-finale, la victoire fut encore longue à se dessiner. Mais l'américain ne put tenir la distance. Après un premier set remporté sur un rythme fou, Arthur Ashe dut petit à petit baisser de régime. Après avoir perdu le troisième set 9/7, Ashe s'écroula définitivement dans le quatrième perdu 6/0 ! Laver pouvait maintenant se préparer pour sa troisième grand finale de l'année, où il allait retrouver John Newcombe, son vainqueur au Queens.

Finale contre Newcombe. Au service pendant le premier
set, et à droite passing shot croisé en coup droit.
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Quatrième victoire consécutive
à Wimbledon... et troisième levée.
La revanche tint toutes ses promesses. Newcombe était bien décidé à retrouver son titre conquis en 1967 du temps des tournois amateurs. Mais que faire contre un joueur qui a les meilleurs retours du monde et à qui tout semble réussir ? Le match tourna pourtant un moment à l'avantage du challanger. A un set partout, Newcombe réussit un break qui aurait pu être décisif pour mener 4/1. C'est alors que se produisit le tournant du match. A 4/2 , Newcombe tenta un attaque très courte et croisée sur le revers de Laver et se colla au filet pour fermer l'angle. C'est là que Laver réussit un passing de revers coupé qui prit une curieuse direction parfaitement parallèle au filet pour retomber sur la ligne juste de l'autre côté du filet, exactement là où Newcombe n'était pas ! Ce coup miraculeux sur un point important sembla tout à coup démoraliser Newcombe dont le bras se mit à trembler. Au contraire, Laver, regonflé, réussit alors tout ce qu'il entreprit. En quelques minutes Laver fit sept jeux de suite (!), pour mener 2/0 dans le quatrième. Pour Newcombe, c'était trop tard et il ne put que s'accrcocher pour perdre la dernière manche 6/4.
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Forest Hills : Jouons sous la pluie.
A partir de cette troisième levée, le tennis de Laver atteignit des sommets dont il ne devait plus redescendre jusqu'à Forest Hills. Il se mit à frapper de plus en plus fort, avec une réussite insolente et plus personne n'arrivait à suivre ses cadences infernales. L'été 1969 fut une suite ininterrompue de victoires. Boston, Saint-Louis, Binghampton, Forth Worth, et Baltimore, autant de tournois et autant de finales gagnées pour Laver qui ne connut cet été là aucun passage à vide, au grand désespoir de ses adversaires. Partout, on commençait à parler de ce deuxième grand chelem et Laver impressionnant montrait au monde que cette quatrième victoire ne pourrait pas lui échapper.
Tout se présente donc pour le mieux et Laver passa les trois premiers tours du tournoi sans problème. Contre Dennis Ralston, joueur brillant quand il n'est pas paralysé par le peur de gagner, Laver dut batailler ferme avant de voir enfin l'américain s'effondrer brutralement à 2/3 au cinquième. 

C'est à partir de ce jour que des pluies diluviennes commencèrent à s'abattre presque quotidiennement sur New York transformant les courts en herbe de Forest Hills en marécage. Contre Emerson en quart de finale, il eut l'impression de jouer sur de la boue tant la terre était imprégnée d'humidité. Sur une telle surface, pas question de faire des échanges car il est difficile d'assurer ses appuis. L'herbe de Forest Hills n'est pas réputée pour sa qualité - comparée à Wimbledon bien sûr - et les deux australiens pratiquèrent pendant 4 sets un jeu de service volée, empêchant au maximum la balle de rebondir, ce qui était à chaque fois un aléa de plus. Au cours de cette partie, la chance autant que l'adresse au filet, permit à Laver de remporter difficilement les trois derniers sets et de gagner 4-6 8-6 13-11 et 6-4.


Tony Roche
  Les pluies incéssantes commencèrent à provoquer des retards importants. La demi-finale contre Arthur Ashe sentait la rechanche de Wimbledon. Le match commencé tard fut interrompu par la nuit au pire moment pour la pauvre Ashe qui était mené 8-6, 6-3 et 12 partout! Après une bonne nuit de sommeil, Laver refit une courte apparition sur le court pour empocher les deux derniers jeux et gagner son billet pour la finale décisive. Pour la septième fois de l'année, il allait affronter Tony Roche et les statistiques n'étaient pas en sa faveur: Roche menait 5 victoires à 2...

La pluie continuait, la finale dut être reportée au lundi, puis au au mardi. Le match commença tard sur un terrain encore bien humide. Le premier set fut une suite d'occasions manquées pour Laver qui mena 5-3. Après une brève interruption suite à une averse, le match reprit dans des conditions encore plus difficiles. 

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C'est alors que Laver demanda à l'arbitre l'autorisation d'utiliser des chaussures à pointes. C'était en principe interdit sur herbe, mais le court était dans un tel état d'humidité que l'arbitre donna son accord. Ce ne fut pas le choix de Tony Roche et c'est peut-être là que se joua le sort de cette finale. Après avoir remporté brillament le premier set de haute lutte (9/7) et gâché une balle de break pour mener 2/0, Roche commença à éprouver des difficultés de déplacements. Plus lourd que Laver, il était nettement désavantagé par les mauvaises conditions de jeu. Manquant d'appui, il commença à être en retard sur ses montées au filet, échaudé par quelques glissades. Et c'est finalement à une fin de match à sens unique à laquelle les spectateurs assistèrent:  Laver bien accroché au sol par ses chaussures à pointes empocha les trois derniers sets très facilement sur le score de 6-1 6-2 6-2.our Laver, c'était l'apothéose. 
Après avoir empoché le prix de 16.000$, il déclara forfait pour sa demi-finale de double et se précipita dans le premier avion pour retrouver sa femme qui était sur le point d'accoucher. Pressés de partir également, Newcombe et Roche déclarèrent forfait dans l'autre demi-finale pour aller jouer un petit tournoi secondaire à Chicago a la demande de leur employeur, la WCT. Cette situation profita à Rosewall et Stolle qui sauvèrent ainsi une saison décevante en remportant le double au dépend des américains Ralston et Passarel.
Et voilà. C'erst déjà presque la fin d'une des plus extraordinaires saisons tennistiques de l'histoire. Laver a participé à 33 tournois, en a gagné 18 dont les quatre du grand chelem, plus quelques titres de double ici ou là. Ses gains pour l'année s'élèvent à 124.000$, soit environ 700.000F de l'époque (14 millions de F ou 2 Milions de Euros d'aujourd'hui, une misère...). Fort de cette notoriété, Laver signe un contrat avec l'homme d'affaire McCormak, déjà célèbre pour s'être occupé avec succès des golfeurs. Les contrats publicitaires vont pleuvoir et Laver sera le premier tennisman professionnel a dépasser le million de dollar de gain au cours de sa carrière. Heureux père depuis peu, comblé et enfin riche, au Panthéon du tennis pour toujours, Laver n'avait alors plus rien à prouver. Il ne devait plus jamais réussir par la suite dans un tournoi du grand chelem... Pout tout les observateurs, Tony Roche qui l'avait battu 5 fois dans l'année était son dauphin désigné et il n'aurait pas à attendre longtemps pour prendre sa place.
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L'autre vedette de ce grand chelem est une raquette: La Dunlop Maxply 
que Laver utilisait depuis ses débuts (Dunlop avait sponsorisé sa première tournée en Europe en 1956 quand il n'était que junior). Apparue dans les années 30, elle avait traversé les âges. Oval parfait, couleur en bois naturel, rigidité et souplesse, cette raquette exceptionnelle convenait à tous les styles. Elle a été utilisée entre autre par Drobny et  Hoad, et plus près de nous par Nastase (qui avait signé chez Adidas mais jouait avec une Maxply maquillée !) et McEnroe. Laver ne sut pas lui être fidèle. Sollicité de toutes parts depuis sa  dernière victoire à Forest Hills, l'australien ne résista pas un juteux contrat avec la marque Chemold qui était aussi celle d'Emerson. Certains ont vu dans ce choix une des raisons de son absence de résultats pour la suite de sa carrière. Car curieusement, après une telle domination, l'australien ne devait plus jamais atteindre une finale de grand chelem, ni même une demi finale, Quand on le questionnait sur ce changement de raquette, Laver éludait la question, ou alors affirmait sagement que la Chemold était une excellent raquette et qu'il n'aurait jamais signé avec cette marque si la raquette n'avait pas été irreprochable. C'est possible, mais ce qui est sûr, c'est qu'on a revu Laver jouer avec sa fidèle Maxply à l'occasion du centenaire de Wimbledon en 1977...

La Maxply au bras de 
Laver.

A droite, un pub de
1938

Indirectement, ce grand chelem fit une victime de taille: l'herbe de Forest Hills. La mauvaise qualité des courts n'avait pas échappé aux joueurs, au public et aux journalistes. Laver lui-même ne se priva pas de critiquer ouvertement les conditions de jeu, souhaitant qu'une surface plus moderne comme le ciment (quelle hérésie !) viennent un jour remplacer l'herbe si difficile à entretenir. Les gardiens de la traditions crièrent au scandale, mais ils étaient déjà en retard d'une époque. Où jouait on encore sur herbe au Etats-Unis à part dans quelques clubs huppés de la côte Est? Le débat était lancé et quelques années plus tard, l'abandon du vieux stade sera décidé sans regret...
Épisode précédent : 1968 Les difficiles débuts de l'ère open

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Dernière mise à jour : 1er mai 2010
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