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Herman David
(44) 1967: Le coup d'état 
d'Herman David
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du tennis professionnel

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Le nom d’Herman David ne vous dit probablement rien. Ce riche diamantaire londonien passionné de tennis était en 1967 le président du prestigieux club de Wimbledon. A ce titre, Herman David suivait avec attention l’évolution des rapports entre tennis amateur et professionnel et la situation complètement bloquée sur la question d’éventuels tournois open ne le satisfaisait pas. Comme tout le monde, Herman David n’avait pu que constater la qualité très moyenne du tennis proposé aux spectateurs pendant le tournoi de 1967. Ce passionné, peu familier des intrigues de couloir de la fédération internationale, ne voyait que l’intérêt du tennis et de son club. Il ne comprenait pas pourquoi il devait continuer à priver le public anglais des meilleurs joueurs du monde!
Sous l’impulsion du président de Wimbledon, les événements vont soudain se précipiter. En août, il organise un tournoi sur invitation avec la participation de 8 des meilleurs joueurs professionnels et distribution de prix en argent. C'est ainsi que le Laver, Rosewall, Gonzales, Hoad, Buchholz, Ralston et Stolle  purent de nouveau fouler l'herbe de Wimbledon et retrouver pour quelques jours le stade de leurs exploits passés. Ce petit tournoi eut un succès populaire considérable. Le stade fut archicomble et la BBC profita de l’évènement pour lancer la première émission en couleur avec retransmission en direct. Il y eut de très beaux matchs. Laver battit Rosewall en finale 6-2 6-2 12-10 et toute l’Angleterre put admirer la qualité du tennis pratiqué par les professionnels.
Laver et Rosewall à Wimbledon pendant le tournoi pro de 1967.
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Cet immense succès populaire, pour une petite compétition non officielle, balaya les dernières hésitations d’Herman David. En septembre, au cours d’une conférence de presse qui fit grand bruit, il annonça à des journalistes médusés que le Tennis Club de Wimbledon avait pris une décision unilatérale et non négociable: la prochaine édition du tournoi serait ouverte à tous les joueurs qui en feraient la demande quelle que soit leur situation, amateur ou professionnel. La fédération internationale, complètement bloquée dans ses principes conservateurs d’un autre âge, ne put que constater que le club de Wimbledon s’était mis hors la loi et demanda à la fédération anglaise d’exclure ce club prestigieux. Mais le 14 décembre, nouveau coup de théâtre, la fédération anglaise toute entière derrière Herman David, décida à l’unanimité de bannir toute distinction entre amateur et professionnel sur le territoire britannique.  Cette fois, c’était la guerre ! Le 8 janvier, le président de la Fédération Internationale, l'italien de Stefani, annonçait que la Grande Bretagne serait suspendue à partir du 22 avril. Partisans et adversaires de l’open commencèrent une guerre de tranchée par journaux interposés en s’échangeant par moment des noms d’oiseaux ! En France, la décision britannique fut applaudie et soutenue sans faille par Philippe Chatrier, fondateur et éditorialiste de « Tennis de France », partisan acharné de l’open depuis plusieurs années. Mais Philippe Chatrier n'était à l’époque que président de la ligue de Picardie et les dirigeants français n’étaient pas encore prêts à suivre le même chemin que les anglais. Côté australien, on regrettait la décision anglaise, et Harry Hopman pour une fois mal inspiré, prédisait un Wimbledon où les anglais se retrouveraient seuls. Quant aux joueurs, les principaux intéressés, ils étaient manifestement, dans leur majorité, favorables à l’open. Newcombe faisait savoir qu’il irait défendre son titre à Wimbledon l’année suivante, tournoi open ou pas, et que Tony Roche serait avec lui ! 
Comme si tout cela ne suffisait pas, un nouveau promoteur fit soudain son apparition dans le tennis professionnel. Déjà propriétaire d'une équipe sportive, le milliardaire texan Lamar Hunt s’était laissé convaincre que le tennis pouvait devenir un spectacle extrêmement lucratif, et qu’on pouvait organiser des championnats professionnels avec un grand succès populaire comme cela se faisait alors avec le base-ball ou le football américain. Il mit suffisamment d’argent sur la table et fit signer des contrats professionnels à 8 joueurs, 5 parmi les meilleurs amateurs du moment : Newcombe, Roche, Pilic, Taylor et Drysdale, et 3 membres de l’association des joueurs professionnels: Buchholz, Barthès et Ralston.

Cette fois, le coup était rude pour le tennis dit «amateur » qui avait pu se permettre jusqu’à présent de perdre de temps en temps le meilleur amateur du moment. La fédération internationale pouvait difficilement tolérer de perdre d’un coup 5 de ses meilleurs joueurs, d’autant que ce n’était probablement qu’un début et qu’il était prévisible que Lamar Hunt ne s’en tiendrait pas là. La position de principe des réactionnaires était tout à coup devenue intenable. 


De Stefani (à g.) pendant l'assemblée 
de la FIT. Il s'apprête à exclure
la Grande Bretagne... Jan 1968.
Devant cette avalanche de coups de buttoir donnés aux institutions amateurs, la fédération australienne, une des plus conservatrices de toutes, décida de ne pas prendre de risques. Les internationaux d’Australie furent tout simplement réservés pour une fois aux vrais amateurs. Exit Santana et Emerson et tous les néo professionnels comme Newcombe et Roche. La participation fut à 90% australienne et d'un niveau très médiocre. Le vainqueur Bill Bowrey, connu jusque là pour quelques places d'honneur en double, gagna là son unique titre de gloire et retomba ensuite dans l'anonymat pour le reste de sa carrière en grand chelem...
Il ne restait plus qu'à connaître la position de la puissante fédération américaine. Or le 8 février 1968, celle ci se prononça en faveur de l’open, sans prendre toutefois de décision unilatérale. Cette fois, les dirigeants de la fédération internationale durent sentir qu’ils faisaient fausse route et que le tennis de demain risquait de se faire sans eux. Après avoir fait un habile virage à 180°, la Fédération Internationale convoqua une assemblée générale extraordinaire à Paris pour le 30 mars avec pour seul ordre du jour le vote en faveur des tournois open. Ce jour là, dans une ambiance de désordre indescriptible, les tenants de l'open réussirent à faire voter à main levée, et quasiment sans débat, la résolution tant attendue. Officiellement, la décision fit prise à l'unanimité, mais ils semble bien que les opposants n'avaient pas vraiment eu droit à la parole: si on avait fait voter le oui à main levée, on avait oublié de demander qui était contre!
 

Pour TENNIS DE FRANCE, la décision de 
l'Open est-elle
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

une bombe à retardement ? 

Mais peu importe. La porte était ouverte, elle ne se refermerait plus. Le premier tournoi open était pour tout de suite, le 22 avril suivant, à l'occasion des championnats de Grande Bretagne sur terre battue, à Bournemouth. Un mois plus tard devait avoir lieu le premier tournoi open du grand chelem à Roland-Garros...
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Dernière mise à jour : 10 avril 2010
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Avril 2010. .