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L'équipe de France 1982 : Yannick Noah, Gilles Moretton,
Henri Lecomte, Thierry Tulasne, Jean-Paul Loth (Cap.).
Rencontre France-Nouvelle-Zélande à Aix en Provence
(73) 1982 : Coupe Davis, la France en finale
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Victime de l'avènement du tennis open en 1968, la coupe Davis avait petit à petit sombré dans l'indifférence générale. Interdite aux professionnels sous contrat jusqu'en 1973, désertée par les meilleurs, victime des pressions politiques de certains gouvernements, la Vieille Dame avait bien du mal à susciter l'intérêt. De plus, avec un calendrier et une organisation archaïque, les rencontres ne trouvaient plus leurs places dans les petits trous laissés par les compétitions du grand prix et de la WCT organisées d'un bout à l'autre de l'année. C'est ainsi que au cours de la décennie 70, on vit un boycott de Wimbledon parce qu'un joueur - Pilic - avait été sanctionné pour avoir refusé sa sélection, la finale 1974 gagnée sans jouer, un rencontre Suède-Chili jouée devant un public de policiers, et les meilleurs équipes, comme celle des États-Unis, représentées par des seconds couteaux battus dès le premier tour...  Borg l'avait jouée une année en 1975 pour la gagner, puis avait déserté pour cause d'exil fiscal à Monaco. Connors avait joué deux rencontres cette même année 1975, mais décu par sa piètre performance contre les mexicains, il avait renoncé. Après la finale Etats-Unis/Australie de 1973, qui avait l'espace d'une année, rappelé les grands duels des années 50, tout avait été de mal en pis. Les finales n'intéressaient guère que les publics des deux pays concernés, et caser cette rencontre de plus en plus tard dans la saison était devenu un casse-tête pour les organisateurs. 
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 Heureusement, il restait ici ou là quelques joueurs patriotes qui éprouvaient encore dans cette vieille épreuve les joies du tennis originel. Ainsi la sélection de John  McEnroe à 19 ans pour la finale de 1978, devait donner à la Coupe Davis un coup de jeunesse alors que Borg et Connors la boudait consciencieusement... Le jeune américain allait par la suite accepter de jouer toutes les rencontres pour son pays, et contribuer ainsi à redonner un peu de couleur et de fraîcheur à la Vieille Dame... 
Pour dépoussiérer un peu le fonctionnement de la coupe Davis, les organisateurs durent se résoudre à promouvoir des réformes radicales. Abandonnant le vieux système des zones géographiques qui datait de 1921, il fut décidé de créer 3 groupes de niveaux différents et de limiter le nombre de rencontres à 4 dans l'année. Avec ce calendrier moins contraignant, on espérait ainsi faire revenir les meilleurs joueurs. Le groupe I avec les 16 meilleures équipes participeraient à un tournoi par éliminations directes en 4 tours, les perdants du premier tour rencontrant les 8 meilleurs du deuxième groupe pour une rencontre de barrage. Cette réforme fut plutôt bien accueillie par les joueurs et la première édition de la nouvelle formule fut mise en place pour l'édition 1981.
 
Finale Coupe Davis 1978 et première sélection de John McEnroe. Pour fêter la victoire
Tony Trabert (Cap) plonge le fils de Stan Smith (4 mois) dans la célèbre coupe ! 
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Stan Smith, Tony Trabert, John McEnroe
et Stan Smith Junior
Emmenée par John McEnroe, l'équipe des États-Unis enlève l'épreuve en 1981. Il y eu une belle empoignade en quart de finale contre les tchèques. McEnroe, tout auréolé de sa victoire à Wimbledon, perdit son premier match contre Lendl, et c'est Connors qui marqua le point décisif contre ce même Lendl. En finale à Cincinatti, McEnroe prit sa revanche de l'année passée sur les argentins Vilas et Clerc en remportant se deux simples et le double avec Peter Fleming. La meilleure équipe avec ses meilleurs joueurs gagnant la coupe Davis, ça ne s'était pas vu depuis longtemps... 

Noah-Moretton en action contre l'Argentine.
Et la France dans tout ça ? Membre du groupe I dès 1981, elle n'avait pu passer le premier tour, battue chez elle par les australiens. Le barrage gagné contre les modestes japonais lui avait permis de se maintenir dans le groupe 1, mais rien ne laissait présager des succès futurs. Pourtant cette équipe avait un énorme atout, la jeunesse et l'enthousiasme de ses joueurs. Emmenée par Yannick Noah, 21 ans et déjà classé n°13 à l'ATP, l'équipe française comptait une pléiade de jeunes espoirs dont on attendait la confirmation : Pascal Portes 22 ans et N° 2 français, Thierry Tulasne, 19 ans et champion du monde junior en 1980, Henri Lecomte, 19 ans et champion junior de Roland-Garros en 1980... 

En 1982, l'équipe française commence par un difficile déplacement en Argentine. Heureusement, José-Luis Clerc, le N°2 argentin est forfait, et Vilas est trop seul, même s'il gagne ses deux simples (7-5 au cinquième contre Noah !). Le double décisif est remporté par les français, tout heureux de passer l'obstacle si facilement ! 

Contre les tchèques au tour suivant, cela promet d'être plus difficile. La rencontre a lieu au stade Roland-Garros début juillet. Le premier jour, Thierry Tulasne réussit à pousser Lendl au cinquième set, et le match se termine le lendemain à l'avantage du tchèque qui du coup ne joue pas le double. Pour les français, c'est une bonne nouvelle. Noah et Lecomte (c'est la première sélection de "Riton") font une brillante démonstration en double et donnent l'avantage à leur équipe. Le troisième jour, Noah et Lendl s'affrontent dans le dernier simple décisif. Les deux joueurs se connaissent bien, et se sont rencontrés dans toutes les compétitions européennes depuis qu'ils sont cadets. Le tchèque, classé N°2 à l'ATP, est en pleine confiance et mène rapidement deux sets à un. A trois partout au quatrième, il affiche même ouvertement sa confiance par un comportement provocateur qui énerve tout le monde, y compris l'arbitre. A 15-40, il a deux balles de break, mais il en fait un peu trop et prend un point de pénalité. Son capitaine Ian Kodes intervient longuement, et l'ambiance devient électrique. Finalement, Noah réussit à conserver son service, puis gagne le quatrième set, alors que rien ne va plus entre Lendl furieux et déconcentré, et son capitaine qui s'agite et conteste ouvertement les décisions de l'arbitre. Finalement, dans une ambiance de folie, Noah gagne le cinquième set contre un Lendl énervé, alors que sur le banc de touche, on en vient aux mains antre Ian Kodes et Jean-Paul Loth !  

L'instant de la victoire contre Lendl
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Noah-Lecomte en double contre Smid-Slozil

Yannick Noah et Henri Lecomte...

Yannick Noah "new look" pour la rencontre de coupe
Davis contre la Nouvelle-Zélande
Cette brillante victoire, un peu inattendue il faut bien le dire, permet à l'équipe française d'espérer aller jusqu'en finale. En effet, les néo-zélandais, leurs futurs adversairese, n'ont pas de joueurs classés dans les dix premiers, et le match doit avoir lieu en France. Début octobre à Aix-en-Provence, ce sera chose faite : les français mènent 2/0 dès la première journée, et Yannick Noah tranquillement remporte le point décisif contre le N°2 néo-zélandais le troisième jour. Pour la première fois depuis 49 ans, la France se retrouve en finale de la Coupe Davis.

Lecomte-Noah à Aix en Provence contre les néo-zélandais.
Deuxième double victorieux en coupe Davis

Une place en finale de la coupe Davis, fêtée dignement par
Yannick Noah et ses co-équipiers !

McEnroe au service contre Wilander
Dans l'autre partie du tableau, le quart de finale entre les États-Unis et la Suède est encore plus dramatique et incertain que le France-Tchécoslovaquie. La match a lieu début juillet à Cincinnati une semaine après Wimbledon. Emmené par John McEnroe mais sans Connors qui a refusé sa sélection, les américains sont favoris. C'est une rencontre particulièrement intéressante, car c'est la première confrontation entre McEnroe qui vient de perdre la finale de Wimbledon, avec un certain Mats Wilander, le tout récent vainqueur de Roland-Garros à l'âge de 17 ans et demi... Si McEnroe remporte facilement son premier simple contre Jarryd, et le double avec Peter Fleming, Eliot Teltscher perd en 5 sets contre Willander. Blessé, il laisse ensuite sa place à Brian Gottfried qui mal préparé, perd en trois sets contre Jarryd. Le match entre les deux n°1 est donc décisif, et ce sera aux dires de certains, le plus beau match de l'année. La surface synthétique favorise en principe le jeu d'attaque de McEnroe qui démarre en trombe et semble se diriger vers une victoire rapide : 9-7 puis 6-2, 4-2, et quatre balles de double break, que Wilander arrive à sauver. Les retours du suédois sont de plus en plus précis, ses passings de revers mieux ajustés et Wilander recolle au score. Infatigable, il annule encore des balles de break au 17ème, 21ème et 31ème jeu,  pour finalement remporter ce troisième set 17-15 ! Bousculé devant son public, voilà tout à coup McEnroe qui s'énerve : il traite un juge de ligne de "communiste" (!), exige le départ d'un cameraman, discute avec l'arbitre, et perd ce quatrième set 6-3. Au début du cinquième set, il prend un point de pénalité au pire moment. Mais devant l'importance de l'enjeu, McEnroe en grand champion, retrouve son calme. Il prend le service de Wilander et mène 2/0. Il cède immédiatement son service devant les formidables retours liftés et croisés de son adversaire. A 2 partout, tout reste à faire, et c'est finalement dans la nuit tombante que McEnroe réussira le break décisif pour l'emporter 8-6. Il est 21h11, et le match  a duré 6h32 minutes. 
Deux images de la rencontre McEnroe-Wilander, Coupe Davis 1982
Après une victoire 5/0 contre les australiens, les américains retrouvent donc la France en finale, 50 ans après leur dernière rencontre qui remontait au challenge-round de 1932. La France l'avait alors emporté 3/2 au Stade Roland-Garros, dans la chaleur du mois de juillet. Pour ces retrouvailles hautement symboliques, il n'est malheureusement pas possible de jouer dans le légendaire stade de la porte d'Auteuil, et c'est bien dommage. Le contraintes du calendrier repoussent la rencontre fin novembre, et c'est un court couvert de Grenoble construit pour l'occasion qui accueille l'événement. Privilège de l'équipe qui reçoit, les français préparent un court en terre battue, espérant ainsi gêner au maximum l'équipe américaine. 

L'équipe française n'est pas favorite, mais elle espère quand même créer la surprise car McEnroe n'a jamais réussi sur terre battue. Si le double semble promis aux américains, la capitaine français Jean-Paul Loth compte sur Yannick Noah pour gagner ses deux simples. Pour le troisième point, il sélectionne pour la première fois en simple Henri Lecomte, comptant sur la jeunesse et l'enthopusiasme de son joueur pour faire la différence.


La coupe Davis à Grenoble. Elle fait rêver Yannick Noah...
Côté américain, on reste confiant. On sait McEnroe très motivé, après ses echecs à Wimbledon et Flushing Meadows. Quant au N°2 Gene Mayer, ce n'est pas tout à fait un inconnu : il a gagné le double à Roland-Garros en 1979 avec son frère Alex. Quart de finaliste à Wimbledon et Flushing Meadows, il vient de faire sa meilleure saison, terminant à une meritoire 7eme place au classement ATP. Ce n'est certainement pas un adversaire à sous-estimer, et avec lui, l'équipe américaine présente un belle homogénéité !

Image d'avant match. Tout le monde est concentré...
Le tirage au sort est favorable aux français, avec comme match d'ouverture les deux N°1. Le sort de la rencontre pourrait donc bien se jouer dès le premier match : quelque soit le vainqueur, il mettrait son N°2 en position psychologique favorable pour jouer sans pression. Sur cette surface trop lente pour eux, les deux joueurs déroulent leurs tennis d'attaque comme une partition de musique. Après une heure cinquante de jeu, c'est Yannick Noah qui craque le premier et perd le set 12-10. Nullement découragé, le français continue de conquérir le filet, et réussit à gêner l'américain qui perd ses marques : 6-1 6-3 pour un Noah euphorique qui peut légitimement y croire en atteignant le repos. La calme des vestiaires est malheureusement favorable à McEnroe qui revient plus agressif que jamais sur les retours de service. Bousculés sur tous ses services, le français perd deux fois son engagement, ne faisant que 4 points sur les services meurtriers de McEnroe. Il lutte encore courageusement au cinquième set, se procurant une seule balle de break alors qu'il était déjà mené 4-2. C'est trop tard, et c'est finalement en grand champion que McEnroe conclut ce match difficile devant un public hostile, mais finalement admiratif devant la performance réalisée par l'américain.
Après ce premier point perdu, le sort de l'équipe de France était réglé. Jouant en pleine décontraction, Gene Mayer domine un courageux Henri Lecomte qui ne put que retarder l'échancre jusqu'au 4eme set. Le lendemain, le double est remporté logiquement en trois sets pas la meilleure équipe du monde. Le dernier jour voit la victoire en deux set de Yannik Noah sur un Gene Mayer bien peu combatif, et un John McEnroe en démonstration face à un Henri Lecomte courageux mais résigné.

Pour McEnroe, c'est déjà la quatrième victoire en coupe Davis. Il sauve ainsi sa saison décevante après la perte de ses titres à Wimbledon et à Flushing Meadows. Mais mieux encore, sa remarquable victoire sur terre battue contre Yannick Noah montrait que son tennis d'attaque pouvait être efficace sur toutes les surfaces. Il lui restait maintenant à prouver qu'il pouvait joueur aussi bien sur la terre battue pendant un grand tournoi. Pour lui comme pour Yannick Noah, l'objectif était maintenant Roland-Garros...
 

 

Grenoble : Peter Fleming, Jimmy Arias, Gene Mayer, John McEnroe et 
Arthur Ashe (Cap), l'équipe vainqueur de la coupe Davis 1982.
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Mars 2000. Mise à jour Mai 2010