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2/ Les premières 
compétitions féminines.


Épisode précèdent : Les femmes s'y mettent aussi

Épisode suivant : 1897-1914, les débuts du championnat de France féminin


Mrs Larcombe, Wimbledon, 1912
Service par en bas.
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Si Wimbledon ouvre la voie pour les hommes dès 1877, il n’en est pas de même pour les dames qui se voient refuser l’ouverture d’un tournoi féminin en 1879. Cette année-là, les dirigeants du club refusent en effet la coupe offerte par une militante féministe. C'est l'époque des suffragettes revendicatrices et militantes et les dirigeants du club ne voient pas d'un très bon oeil cette vague de contestation. Le All England Lawn Tennis and Cricket club de Wimbledon ne montre guère d’ouverture d’esprit avec cette décision et le conservatisme dont font preuve les membres du comité aura hélas d’autres occasions de se manifester dans l’histoire du club.

Croquis paru en 1879, première image connue d'une 
compétition féminine, probalement à Dublin.
  Du coup, c’est la ville de Dublin qui peut se vanter d’avoir accueilli en 1879 le premier tournoi féminin de l’histoire du tennis. Le nom de la gagnante est complètement oublié de nos jours et c’est une injustice, car May Langrishe doit être considérée comme la première championne de tennis de l'histoire. Ce n’est qu’en 1884 que le prestigieux club londonien se décide enfin à organiser une compétition ouverte aux dames. 
Maud Watson,la première gagnante, est déjà une championne reconnue. Elle n'a en effet jamais perdu un match depuis ses débuts en compétition en 1881. La première finale dames de Wimbledon est une affaire de famille, Maud bat sa soeur Lilian en trois sets.

Maud et Lilian Watson furent aussi les premières joueuses à porter des vêtements complètement blancs, couleur qui va s'imposer rapidement jusqu'à devenir la règle avant la fin du siècle.

 

Maud Watson(à g.), première championne 
de Wimbledon en 1884 et 85,
et sa soeur Lilian (à d.)

Lottie Dod
  Il faut dire tout de même que les premières championnes ne sont pas gâtées par la tenue vestimentaire imposée par les règles de bienséance de l’époque. Châpeau, manches longues, corset, jupe aux chevilles et jupons sont en effet obligatoires. Saluons le courage et l’enthousiasme de ces dames qui courraient comme elles pouvaient, quelques fois en soulevant leur robe d’une main tout en frappant avec la raquette de l’autre… 

Lottie Dod, qui succède à Maud Watson, a un énorme avantage sur ses adversaires. Elle n'a que 14 ans et son jeune âge lui permettait de jouer avec une jupe plus courte et sans châpeau ! Après cinq titres à Wimbledon, elle arrêta complètement le tennis pour se consacrer au golf et elle devint rapidement championne d'Angleterre.

Une autre championne de ces temps héroïques mérite d'être mentionnée. Blanche Bingley remporta en effet 6 fois le titre entre 1886 et 1900 et joua en plus 6 finales perdues! Elle jouait en gants blancs et en cravate, ce qui était le comble du raffinement! Après son premier succès, elle épousa le commandant Hillyard, qui n'était autre que le secrétaire du club. Les Hillyard devinrent très vite le couple le plus en vue du tennis anglais. Ils invitaient dans leur propriété privée tous les champions anglais  - et même les américains de passage - pour rejouer devant un public restreint de connaisseurs les revanches des grands matchs de Wimbledon.

Le style de Blanche Bingley-Hilliard était encore rudimentaire et son arme principale était le coup droit, qu'elle essayait de suivre à la volée. Elle servait par en bas, comme toutes les joueuses de son époque, et elle n'avait pratiquement pas de revers. Elle possédait heureusement une excellente condition physique et arrivait à courir pendant tout le match pour tourner son revers.


Blanche Bingley-Hillyard,
chapeau, cravate et gants blancs...

Rencontre féminine aux États-Unis, 1884


Marion Jones, championne USA 
1899 et 1902
  En 1887, c’est au tour des américaines de se lancer dans la compétition. Leurs tenues sont plus exubérantes et plus colorées que celles des anglaises, mais leur enthousiasme est le même et les progrès rapides. Elles jouent même les matchs au meilleur des 5 sets, comme  les hommes. Mais cette pratique est abandonnées en 1902 après quelques matchs marathon qui avaient épuisé ces jeunes filles ! Marion Jones, championne des USA à 15 ans, fut la première à faire une tentative de rencontre internationnale en allant défier les anglaises chez elles à Wimbledon. Ce déplacement fut un échec et les joueuses anglaises restaient sans problème les meilleures du monde.

D'une toute autre envergure était le jeune fille qui se présenta chez les Hillyard en 1905, après avoir gagné le championnat des USA à 16 ans l'année précédente. May Sutton, en  effet, servait par en haut et frappait la balle avec un bel enthousiasme et suivait son coup droit lifté au filet!! Elle remporta Wimbledon dès sa première apparition en battant en deux petits sets Miss Douglass, qui n'était pourtant pas la première venue.

May Sutton vint trois années de suite à Wimbledon. Dorothea Douglass prit sa revanche en 1906, mais fut de nouveau battue en 1907. Cependant, si May Sutton reste la première américaine à avoir gagné Wimbledon, elle restera aussi celle qui choqua le public anglais par ses extravagances vestimentaires: ses robes étaient plus courtes que celles des anglaises, elle ne portait pas de chapeau, mais un bandeau, et surtout, surtout,elle jouait avec les avant-bras dénudés ! Elle fut, paraît-il, un peu pardonnée par le public anglais quand elle avoua que son père était anglais, officier de marine et qu'elle même était née à Southampton juste avant le départ de ses parents pour la Californie...  

May Sutton

Finale dames, Wimbledon, 1901.
Mrs Hillyard, au fond est batue par Mrs Cooper-Sterry 6/2 6/2.

Mrs Lambert-Chambert
au service.
  May Sutton rentrée chez elle, on ne vit plus guère d'américaines à Wimbledon, et Dorothée Douglass, devenue Lambert-Chambert par son mariage, devint la grande championne d'avant la première guerre mondiale, remportant au total 7 Wimbledon et un titre olympique en 1908. C'est sans doute la première championne à avoir eu un tennis complet et un style comparable - de loin quand même... - aux joueuses modernes. Mrs Lambert-Chambert servait par en haut et n'hésitait pas à suivre son service au filet ! De plus, elle savait masquer ses coups et trouvait des angles surprenants pour toutes ses adversaires.

Mrs Lambert-Chambert continuera de jouer après la guerre de 14 et nous la retrouverons à plus de quarante ans, toujours en finale de Wimbledon. Elle sera alors une des adversaires les plus difficiles pour le nouveau phénomène du tennis: Suzanne Lenglen.


Finale dames, Wimbledon, 1908
Charlotte Cooper-Sterry bat Miss Morton 6/4 6/4