Les héros du grand chelem
Manuel Santana
(Espagne, né à Madrid le 10 mai 1938)

"Manolo"

Voir aussi "Santana seul contre les Australiens"


Rien ne semblait devoir rapprocher le tennis et ce fils d'électricien de Madrid né en pleine guerre d'Espagne. Dès l'âge de dix ans, ayant perdu son père, il abandonne l'école et préfère chercher des petits boulots pour aider sa famille. Ramasseur de balles d'un jour au Velasquez tennis club, il découvre que les pourboires conséquents que lui ont versés les membres du club représentent pour lui une petite fortune. Suffisamment en tout cas pour lui permettre de subvenir à ses besoins et d'aider sa mère et ses quatre frères.

Le petit Manolo passe alors ses journées au club de tennis. Là, il occupe les heures creuses de la journée à taper dans la balle avec la bande de ramasseurs du club. Il n'a qu'une planche comme raquette et des vieilles balles usées, mais qu'importe. Il montre vite un bel enthousiasme, et c'est lui le plus agile et le plus adroit. Un jour de 1953 - il a déjà 15 ans - il est remarqué par une riche entrepreneur madrilène, Roméro Giron qui lui propose d'échanger des balles. Impressionné, Roméro est séduit par ce gamin chétif mais ô combien doué. La suite est comme un conte de fée: Roméro lui propose alors de le prendre complètement à sa charge. L'entrepreneur paiera le matériel, les entraînements, et aussi les études auxquelles il attache une importance particulière. Manolo refuse d'abord la proposition, car il ne peut abandonner sa famille. Mais Roméro balaye toutes les objections et accepte de prendre à sa charge l'entretien de la famille Santana au complet!

A Wimbledon, après sa victoire en 1966. Santana pose
entouré de tous les ramasseurs de balles
..
Roméro ne regrettera pas sa décision. Manolo est un élève docile et doué: gymnastique et tennis intensif le matin, leçons particulières avec un précepteur l'après midi. A dix-huit ans, il décroche son baccalauréat. En 1958 à 20 ans, il est champion d'Espagne et sélectionné en coupe Davis.
Ses progrès sont rapides et il compte vite des victoires sur les grands de l'époque: Laver, Ayala, Merlo, Emerson, Fraser. Sa surface de prédilection est bien sûr la terre battue. Son toucher de balle et son jeu inventif et varié y font merveille. Mais il a le tord d'être madrilène dans un pays où la fédération est dominée par les catalans. La fédération espagnole lui refuse des voyages à l'étranger, minimise ses sélections en coupe Davis et donne la préférence à Andres Giméno, autre brillant espoir mais qui est né à Barcelone. Curieusement, c'est en faisant son service militaire qu'il se libère des contraintes que lui impose sa fédération. Encouragé par l'armée, et toujours sponsorisé par son père adoptif Roméro, il peut enfin se déplacer à sa guise et participer librement aux compétitions de son choix à l'étranger.

Première victoire à Roland-Garros, 1961
.
Pietrangeli et Santana, finalistes 
de Roland-Garros en 1961 et 64.
Cartes italiennes Panini
En 1961, le voilà vainqueur de Roland-Garros, sa première grande victoire.  Manolo est propulsé en haut de la hiérarchie amateur. Il bat tous les favoris - Emerson, Laver et Pietrangeli - et démontre à cette occasion une extraordinaire maîtrise du lift et un touché de balle parfait. Les attaquants Emerson et Laver et l'artiste Pietrangeli ne peuvent rien contre ses changements de rythme, ses lobs liftés et ses retours croisés. Santana raconte: "Contre les Australiens, c'est facile, ils montent au filet, il suffit de les passer. Mais Nicola Pietrangeli joue très bien au fond du court et surtout, il varie son jeu. J'essaie d'éviter son revers et de le faire courir d'avant en arrière, j'insiste sur  des amorties et des lobs liftés. Il se fatigue. Sur la balle de match, je casse une corde, mais je réussis quand même une volée gagnante". Après la balle de match, dans un réflexe d'ancien ramasseur de balles, il se précipite pour embrasser son adversaire en passant dessous le filet, puis il pleure de joie. Dans les vestiaires, il étreint longuement son père adoptif: "Mi padre, mi padre! Gracia!" Quel chemin parcouru en 8 ans seulement, depuis le jour où Roméro avait observé un gamin qui tapait dans une vieille balle avec un planche de bois...
Dès l'année suivante, Andrès Giméno, son seul rival espagnol, signe un contrat chez les professionnels. Santana décide de rester amateur, préférant vivre de dessous de table plutôt que de signer un contrat professionnel à l'avenir plus incertain. Jusqu'en 1967, il fait un belle carrière de faux-amateur,  employé plus ou moins fictif de Malboro Espagne. Il est numéro deux mondial derrière un autre faux-amateur, Emerson, employé lui, par Philips-Morris en Australie. Il devient alors l'incontestable leader du tennis espagnol et le pilier de l'équipe de coupe Davis de son pays. Il réussit par deux fois à lui tout seul à emmener l'Espagne en finale de l'épreuve en 1965 et 1967. En 1965, il fait subir à Emerson son unique défaite dans une finale de coupe Davis.

A Wimbledon pendant sa demi-finale
contre Davidson, 1966

A Forest Hills en 1965, Santana fait la une
du journal World/Tennis
En 1964, un deuxième succès à Roland-Garros. Il devient le seul joueur capable de rivaliser avec les australiens. Mais la terre battue ne l'intéresse déjà plus. Il veut devenir un grand spécialiste du gazon, seule manière à ses yeux d'accrocher une victoire en coupe Davis. Les années suivantes, il fait l'impasse sur Roland-Garros et s'impose à Forest Hills en 1965 puis à Wimbledon en 1966.

En 1967, dernière année du tennis amateur, il rate complètement Wimbledon, devenant le premier tenant du titre à être battu au premier tour . Il sauve cette dernière saison par un beau parcours en coupe Davis. L'arrivée du tennis open en 1968 ne lui permet pas de se maintenir en haut de la hiérarchie mondiale. Il a 30 ans, et le tennis est soudainement devenu plus dur. Comme pour Emerson, il ne sera plus question de victoires en simple. Mais la place de N°1 espagnol est encore un enjeu, et il retrouve sur sa route le vieux rival de sa jeunesse Andres Gimeno. On attendait avec curiosité leur première rencontre officielle: ce sera à Roland-Garros en 1969. C'est un match magnifique qui tourna court: après un quatrième set très disputé qui enchanta le public, Gimeno égalisa à deux sets partout. Mais Santana se blessa à l'aine et du abandonner au premier jeu du cinquième... La question du N°1 espagnol ne fut donc pas tranchée, mais à partir ce moment là, Santana commença doucement mais sûrement à abandonner le tennis de compétition. Après une dernière saison en coupe Davis en 1970, il rentra dans une semi-retraite d'où il ne sortit qu'en 1973, appelé au secours par sa fédération pour un match de coupe Davis difficile contre l'Italie. Sa défaite contre Barazutti mit alors un terme définitif à sa carrière.

 

Manuel Santana laisse le souvenir d'avoir été un des plus grands joueurs de terre battue de tous les temps. Sa grande variété de coups aussi bien en attaque qu'en défense, son merveilleux toucher de balle, son lift dont il usait en coup droit comme en revers pour trouver des angles, tout cela enchantait les spectateurs de Roland-Garros. Son revers n'avait pas la pureté de celui de Rosewall, ses attaques n'étaient pas aussi agressives et tranchantes que celles d'Emerson ou Laver, mais il savait mieux qu'eux utiliser l'amortie ou le lob lifté pour briser la cadence et user les adversaires trop entreprenants. Avec son tempérament latin, c'était un artiste qui sortait toujours les coups les plus invraisemblables quand on s'y attendait le moins. Sur le court, il était d'une correction parfaite, manifestant volontiers ses émotions, mais sans jamais avoir un geste ni un mot déplacés. Il avait gardé des ses origines une modestie et une gentillesse désarmantes: après sa victoire de Wimbledon, son premier commentaire fut pour Roy Emerson, "le vainqueur moral du tournoi", qui s'était blessé en quart de finale !


Bruguera, Le roi Juan-Carlos et
Santana, Roland-Garros 1994


A Wimbledon en 1969.
A Wimbledon, avec la Duchesse de Kent, 1966





Voici son palmarès en simple : 4 simples messieurs et un double messieurs

"Manolo" à Wimbledon
pendant les cérémonies
du millénium

Et à Roland-Garros en 1995 
avec Nastase

Roland-Garrose Simple Messieurs(2) 1961 - 64
Double Messieurs(1) 1963   Roy Emerson
Wimbledon Simple Messieurs(1) 1966
Championnats d'Amérique 
Forest Hill
Simple Messieurs(1) 1965

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Dernière mise à jour : 30 avril 2010
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