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Vilas vainqueur à Roland-Garros.
(62) 1977
L'année Vilas
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En 1976, les internationaux d'Australie touchent le fond. Avec la plus faible participation depuis le début de l'ère open, cette édition 1976 ressemble à un tournoi local. La tête de série N°1 est Ken Rosewall, 41 ans, et la participation étrangère inexistante. Il y a huit australiens en quart de finale et c'est le plus inconnu d'entre eux, Mark Edmonson qui remporte le titre. A 22 ans, ce 212eme joueur mondial, employé dans une quincaillerie, faisait encore quelques mois auparavant la tournée des tournois secondaires en France pour se payer ses vacances ! Il bat un Rosewall vieillissant, puis un Newcombe hors de forme, incapable de retrouver le rythme après une interruption météo... Edmonson, avec sa moustache de grognard et son front dégarni empoche avec un grand sourire le plus gros chèque de sa vie : 10.000$ ! Il ne devait pas confirmer par la suite, et à part quelques bons résultats en double, il fera en simple une honnête carrière d'anonyme comme bon nombre de ses compatriotes australiens.

<==Mark Edmonson en 1976, c'est encore aujourd'hui le dernier
vainqueur australien à Melbourne

Les dirigeants australiens durent sentir le danger, ils se devaient de réagir s'ils voulaient que leur tournoi conserve son prestige, et que l'idée de grand chelem ait encore un sens. En 1977, ils réussissent à faire venir l'argentin Vilas, alors N°3 et une équipe américaine emmenée par Roscoe Tanner et Arthur Ashe. Le tournoi est une réussite, et sur l'herbe sèche de Melbourne, le service de Roscoe Tanner fait des ravages. L'américain, meilleur serveur du circuit, aligne un nombre impressionnant d'aces tout au long du tournoi et arrive en finale sans trop de problème. Côté australien, Rosewall, à quarante deux ans, fait encore forte impression mais les 5 longs sets contre Riessen au deuxième tour vont peser lourd pour ses vieilles jambes. Après avoir pris sa revanche de l'an dernier sur Edmonson, Rosewall prend encore un set à Tanner en demi-finale avant de s'avouer enfin vaincu. En finale, Tanner rencontre Vilas qui a fait jusque là une démonstration de puissance et de régularité. L'argentin, coaché depuis un an par le roumain Tiriac, déroule un tennis de rouleau compresseur, avec une concentration  et une régularité impressionnantes. Ce ne sera pas suffisant pour contrer le service de l'américain. En finale, Tanner est tout simplement intouchable avec son service de brute : 14 aces et 20 premiers services gagnants suffisent pour assurer à l'américain une victoire méritée en trois sets 6-3 6-3 6-3 !  

Roscoe Tanner
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Pour espérer un jour attirer les meilleurs et redonner un peu d'éclat à leur tournoi, les dirigeants australiens décident alors que les internationaux d'Australie ne commenceraient plus la saison, mais la termineraient. Il y aura donc exceptionnellement deux Australian Open en 1977 ! Curieuse idée, mais qui se place pourtant dans la pure tradition du grand chelem. Les australiens espèrent ainsi attirer un jour prochain Borg ou Connors sur la route d'un possible grand chelem dont leur tournoi serait la conclusion victorieuse...
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En attendant, le mythe du Grand Chelem prend un rude coup en février, quand le suédois Bjorn Borg annonce son intention de signer pour les championnats Intervilles: un contrat de 3 ans avec la ville de Cleveland pour 1,5 million de dollars qui fait grincer beaucoup de dents et notamment celles de Lamar Hunt patron de la WCT qui se sent trahi. Il intente aussitôt un procès au suédois, lui réclamant la modique somme de 5 millions 700.000 dollars de dommages et intérêts ! Avec de telles sommes en jeu, le tennis n'était-il pas en train de devenir une pure affaire d'argent, abandonnant petit à petit son côté sportif ?... 
Interrogé sur ce choix discutable entre tennis traditionnel et tennis spectacle, Borg se justifiera par la suite en affirmant que ce contrat avec les Intervilles était pour lui une occasion de prendre des vacances et de vivre aux côtés de sa fiancée Marianna Simonescu (Cleveland lui avait également fait signer un contrat de trois ans !). Signe avant coureur d'une lassitude qui devait le reprendre définitivement quelques années plus tard, Borg, saturé de tennis, éprouvait déjà  à 21 ans le besoin de souffler un peu et de profiter de la vie...
Pour les dirigeants de Roland-Garros, et Philippe Chatrier en particulier, c'est une trahison et une nouvelle menace pour les internationaux de France. Les promoteurs américains allaient-ils gagner leur bras de fer avec les européens pour la maîtrise du calendrier du printemps ? Et que vaudra Roland-Garros dans l'avenir, si, comme on pouvait le craindre maintenant, le tournoi restait privé pour longtemps de Borg et de Connors ?
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A Roland-Garros, le tableau sans Borg est orphelin, et l'ambiance est un peu tristounette. On se croirait revenu en 1970, quand 25 des meilleurs professionnels sous contrat avaient décidé de faire l'impasse sur le tournoi. On se console comme on peut avec le grand retour de Nastase, le chouchou de Roland-Garros qui n'a participé qu'un an aux Intervilles. Peu rancuniers, les dirigeants lui attribuent la tête de série N°1.  Panatta, tenant du titre, est N° 2 et Vilas N°3.
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On attendait Nastase, et on sera bien déçu. A 31 ans, le roumain, imprévisible et inconstant, n'est plus que l'ombre de lui-même. On dirait que l'envie de gagner l'a abandonné, à voir ses pitreries et ses discussions avec les arbitres, entrecoupées encore ici ou là de coups de génie. Il se fatique dans les premiers tours: 5 sets contre Tim Guilikson, 5 sets encore contre l'allemand Meiler, et malgré une victoire en trois sets contre son ancien rival Kodes, Nasatse arrive déjà usé en quart de finale contre l'américain Gottfried. Ce dernier, connu pour ses performances en double et son jeu de service volée efficace sur surface rapide, n'avait guère d'espoir de passer cet obstacle. Mené rapidement deux sets à rien, Gottfried réussit cependant à garder suffisamment la balle dans le court pour énerver Nastase qui voudrait conclure rapidement. Devant un public médusé, Gottried remporte les trois derniers sets 6-2 6-2 6-3. La route est dégagée pour l'américain qui passe ensuite l'obstacle Phil Dent sans problème.

Brian Gottfried à l'attaque.
Dans l'autre moitié du tableau, Panatta n'a ni la chance ni la forme de l'année précédente. Il arrive péniblement en quart de finale, battu logiquement par le mexicain Ramirez.  Et celui qui va faire la plus forte impression, c'est bien sûr  Vilas. Impressionnant de concentration, avec Tiriac qui le regarde droit dans les yeux à chaque changement de côté, Vilas a l'air d'un tueur. Il s'entraîne 4 heures par jour quand il ne joue pas et abat un tennis de bûcheron sans faiblesse ni fantaisie : un jeu de jambes qui vous fatigue rien qu'à le regarder, et des coups de canons liftés du fond de courts qui usent les plus solides. Voyez plutôt : 6-1 6-2 6-1 contre Stan Smith, 6-4 6-0 6-4 contre Fibak, 6-2 6-0 6-4 contre Ramirez, et enfin 6-0 6-3 6-0 contre Gottried en finale. L'américain , qui n'a pas de jeu de fond de court ni de patience, n'a d'autre choix que d'attaquer, et d'attaquer encore. C'est un suicide, et Gottfried, courageux, explose littéralement devant les passing liftés de Vilas qui trouve des angles étonnants. Pour l'argentin, c'est son premier titre en Grand Chelem. 
C'est une victoire méritée, sans aucun doute, et qui doit beaucoup à Tiriac. Mais que vaut elle en l'absence du roi Borg ? Vilas installé solidement à la place de N°3 mondial, se devait de confirmer rapidement par une autre grande victoire, sur Borg ou Connors...
 
Ion Tiriac, l'entraîneur de Vilas au 
regard bien inquiétant.
Il sut imposer à son élève 
un rythme d'entraînement élevé 
et améliora considérablement 
son pouvoir de concentration
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Tennis de France, Juillet 1977

John McEnroe en 1977
Les débuts d'un géant...
  Le millésime 1977 de Roland-Garros gardera cependant le souvenir d'un gamin de 18 ans qui discrètement remporte deux titres. Un certain John McEnroe accumule en effet les victoires. D'un gabarit moyen, rouquin, teigneux et gaucher à la volée magique, ce lycéen new-yorkais remporte facilement l'épreuve junior. Dans l'épreuve senior. il sort des qualifications et passe un tour avant de se faire sortir de justesse par l'australien Phil Dent en 5 longs sets 3-6 6-2 4-6 6-3 6-3. Mieux encore: inscrit en mixte avec sa jeune compatriote Mary Carillo- probablement pour s'occuper un peu pendant la quinzaine- les deux inconnus remportent l'épreuve! Certes, le mixte était déjà à l'époque délaissé par les meilleurs, mais tout de même... L'histoire retiendra que John McEnroe, un des joueurs les plus talentueux du XXème siècle remporta à 18 ans et dans l'indifférence générale les deux seuls titres de Roland-Garros de son éblouissante carrière. Il ne devait revenir à la Porte d'Auteuil que 3 ans plus tard...

Après l'épisode du centenaire de Wimbledon, où Vilas en pleine décompression ne fait qu'une brève apparition (battu au troisième tour par le modeste Billy Martin 6-2 6-4 6-2), l'argentin commence sa préparation pour l'US Open qui pour la troisième et dernière année se jouera sur terre battue avant de déménager dans le nouveau stade de Flushing Medow. L'argentin aligne alors une impressionnante série de succès, montrant qu'il faudrait maintenant compter avec lui. Les 4 tournois remportés en juillet et août achèvent sa préparation. 

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Pour le dernier Forest Hills de l'Histoire, tous les grands du tennis sont là et Jimmy Connors, chez lui fait figure d'épouvantail, et à part Borg, on ne voit pas qui pourrait lui tenir tête. Curieusement, l'épreuve se joue cette année là en deux sets gagnants jusqu'en quart de finale, et les favoris y arrivent tranquilles et reposés. Tous, sauf Borg qui, blessé à l'épaule doit abandonner contre Stockton. Du coup, la voie est libre pour Vilas qui arrive en finale sans perdre un set. Il y affronte Jimmy Connors, impressionnant lui aussi depuis le début du tournoi, et qui est prêt à tout pour conserver son titre après son échec à Wimbledon. L'américain, devant son public est le favori logique, et Vilas l'outsider prêt à tenir le choc.


Connors à l'US Open 1977


Vilas à l'US Open 1977
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Vilas pendant sa finale victorieuse
Le spectacle tient toutes ses promesses. Connors qui frappe comme un sourd sur toutes les balles gagne le premier set, perd le second et cherche à faire la décision dans la troisième. Il mène 4/1, rate alors deux balles de 5/1, puis navigue à presque tous les jeux à deux points du set. Sans s'en rendre compte, Connors est en train de se faire laminer physiquement par un Vilas infatigable qui sautille sans arrêt entre deux points et renvoie inlassablement des balles liftées au fond du court avec une puissance étonnante. Face à un adversaire qui accepte l'épreuve de force, l'américain perd sa lucidité en se battant sans dicernement sur toutes les balles. Dans le tie-breack, c'est Connors qui craque le premier. Il n'aura plus alors la ressource nécessaire pour revenir et encaisse un cuisant 6/0 dans le quatrième set. Sifflé par le public qu'il croyait acquis à sa cause, humilié et de très mauvais humeur, Connors quitte le court sans serrer la main de son adversaire, boycottant la remise de la coupe et la la conférence de presse, trouvant au passage le moyen d'avoir une altercation avec un spectateur sur le chemin des vestiaires... Triste sortie pour celui qui n'avait pourtant pas démérité, mais qui venait d'abandonner et pour longtemps sa place de N°1 mondial.
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Pour Vilas, c'est enfin la consécration : trois finales en grand chelem dont deux victoires, 16 tournois remportés dans l'année et une série impressionnante de 57 victoires consécutives sur terre battue au cours de 9 tournois différents... 1977 est pour l'argentin sa grande année et à l'issue de la saison, beaucoup de spécialistes n'hésiteront pas à le classer N°1 mondial. Un position méritée, mais qui doit beaucoup à la semi-retraite de Borg, retenu par les Intervilles et quasiment absent de toute la saison sur terre battue. Entre les deux joueurs, une explication finale semblait nécessaire, elle aura lieu dès l'année suivante à Roland-Garros...

Vilas porté en triomphe
Forest Hills 1977
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Dernière mise à jour : 10 avril 2010
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Avril 2010. .