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Philippe Chatrier, nouveau président de la fédération internationale
fête le cinquantenaire de la première victoire de la France 
en coupe Davis avec les quatre mousquetaires.
(64) 1977 :
Suite et fin
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1978 : Borg, un petit chelem raté... d'un pouce !



Le 4 juillet, Philippe Chatrier est élu président de la fédération internationale de Lawn Tennis. Le tennis professionnel est alors en pleine crise et le nouveau président va devoir gérer de douloureux et difficiles conflits entre les fédérations nationales, les promoteurs privés d’Interville, les joueurs professionnels et... les gouvernements nationaux qui interviennent de plus en plus dans les rencontres internationales et notamment la Coupe Davis. A tous ces graves problèmes vont s'ajouter des crises à répétition, comme la raquette à double cordage, les problèmes de comportement sur les courts, et la multiplication des tournois exhibition lucratifs et sans enjeux.
Le nouveau président ne va pas chômer, et il aura fort à faire pour rétablir l'autorité de la fédération internationale, reformer la coupe Davis vieillissante, et redorer le blason des tournois du grand chelem et notamment Roland-Garros, toujours menacé par les promoteurs d'Interville. La plus vieille épreuve sportive par équipe du monde traverse alors une crise sans précédent qui menace son existence même. Depuis le début des années 70, des pressions de plus en plus fortes se font sentir de la part des pays africains, soutenus par l’URSS et des pays non alignés, pour exclure la Rodhésie et l’Afrique du Sud. 
Justifié par la politique de ségrégation raciale pratiquée par ces deux pays, l’appel au boycott lancé par les pays protestataires était rejeté par les grandes fédérations qu’étaient la Grande Bretagne, les Etats-Unis et l’Australie. Il faut dire que les dirigeants sud-afraicains et rhodésiens étaient pour la plupart des vétérans de la deuxième guerre mondiale qui s'étaient courageusement battus aux côtés des alliés pendant 5 ans. Eric Sturgess, sud-africain classé dans les 10 meilleurs joueurs du monde après la guerre, finaliste de Roland-Garros en 1952, avait combattu 4 ans dans la RAF, tout comme Ian Smith, le premier ministre rhodésien. Pour les dirigeants anglais et américains, l’exclusion de ces deux pays était un déchirement au regard de leur passé commun d'anciens combattants. Mais les temps avaient changé et les empires coloniaux n'existaient plus. Depuis la victoire par forfait de l’Afrique du Sud en 1974, la situation n’avait cessé de s’aggraver. En 1977, la Rhodésie s’était prudamment engagée dans la zone européenne, battue par le Suisse au premier tour. L’Afrique du Sud engagée en zone américaine était boycottée partout et seuls les États-Unis avaient accepté de les rencontrer, pour les éliminer heureusement non sans quelques incidents. Tony Trabert, le capitaine américain dût jouer lui-même de la raquette pour chasser du court des manifestants hostiles à l'apartheid...

Eric Sturgess, le meilleur joueur sud-africain 
d'après guerre, finaliste de Roland-Garros 
en 47 et 52, engagé volontaire dans la RAF,
pilota un Spitfire pendant 4 ans.
Pire, depuis le coup d’état du Général Pinochet au Chili en 1973, des gouvernements intervenaient ouvertement dans les décisions des fédérations pour rencontrer tel ou tel pays. Ainsi, les appels au boycott du Chili se multipliaient dans les pays de l’Est, et même dans certains pays occidentaux. En 1975, la Suède de Borg avait éliminé le Chili devant une foule de policiers spectateurs ! En 1976, l'URSS avait interdit à son équipe de rencontrer ce pays, et le déplacement de l’Italie au Chili pour la finale n’avait été autorisée qu’au dernier moment…
1977 est finalement la dernière année de la Coupe Davis traditionnelle. Des décisions courageuses et qui s’imposaient vont alors être prises pour éviter toute ingérence des gouvernements dans le déroulement de l’épreuve et attirer les grands joueurs :
- La Rhodésie et l’Afrique du Sud seront exclues de l’épreuve lors de l'assemblée générale dela FILT en avril 1978
- Les sanctions sont renforcées contre les fédérations qui s’engagent dans l’épreuve et qui refuseraient de rencontrer tel ou tel pays pour des raisons extra-sportives
Enfin, le chantier de la réorganisation de l’épreuve est commencé, ceci afin de limiter le nombre de rencontres annuelles par pays dans l’espoir de garantir la participation des meilleurs joueurs. Cela aboutira en 1981 à la création d’un tableau final de 16  équipes, limitant ainsi à 4 le nombre de rencontres par an.
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Le logo de l'équipe
des Soviet de la WTT
Mais comme dans tout, la politique a ses limites. L'URSS, interdite de Coupe Davis depuis son refus de rencontrer le Chili en 76, décide de n'engager aucun de ses ressortissants dans les tournois du grand chelem pour ne pas risquer de rencontrer un joueur sud-africain ou rhodésien. Tous les joueurs soviétiques étant inoccupés, les promoteurs de la WTT les engagent moyennant 200.000$ versés à leur fédération. L'équipe des soviets va ainsi disputer 44 matches dans la saison, tous à l'extérieur, et ses joueurs vont sans broncher rencontrer ici où là des sud-africains, sans que personne n'y trouve à redire. Allez comprendre ! Il est vrai que l'argent n'a pas d'odeur et que la WTT est une entreprise privée !
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Autre problème auquel va être confronté le nouveau président, l’évolution du matériel et notamment de la raquette dont la forme n’avait guerre changé depuis 50 ans. Au printemps, un allemand astucieux et bricoleur du nom de Werner Fischer, propose à des grands joueurs d’essayer sa nouvelle invention, une raquette dite «à double cordage». Le premier à l'expérimenter est l'australien Philips-Moore à Roland-Garros. Ce vétéran du circuit fait alors subir un véritable calvaire au hongrois Taroczy qui sort du court vainqueur mais épuisé. Quant aux spectateurs, ils n'arrivaient pas à comprendre comment l'australien arrivait à donner un telle vitesse à sa balle avec cet engin qui faisait un curieux  bruit de panier creux... Au cours de l'été, Georges Goven l'utilisa avec bonheur sur le circuit satellite français. Des protestations commencent alors à s'élever parmi les joueurs contre cette raquette déloyale qui fait le bonheur des lifteurs. Avec son triple treillis de cordes peu tendues, cette raquette permettait de donner des effets imprévisibles à la balle qui devenait difficilement contrôlable après le rebond. A Forest Hills début septembre, le modeste américain Mike Fischback l'adopte et sort des qualifications pour battre ensuite Billy Martin et Stan Smith... Le débat s'intensifia, la raquette miracle étant alors accusée de détruire le jeu, tout en permettant à des joueurs moyens d'enchaîner de surprenantes victoires. 
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<== Georges Goven et ses raquettes à double cordage. Avec ce nouveau matériel inventé par l'allemend Fischer, le français va réaliser de bonnes performances pendant l'été 1977...

Puis arriva la coupe Porée mi-septembre, épreuve qui se jouait au Racing avec une participation relevée. Pusieurs joueurs se présentent avec la fameuse raquette et Nastase est battu au premier tour par Georges Goven. Le roumain se défendit du mieux qu'il put, mais sortit du court écoeuré et mort de fatigue. Par la suite, Goven est sorti en quart de finale par un autre adepte de cette raquette, Christophe Roger-Vasselin qui ira jusqu'en finale. Seul Vilas, avec sa puissance et sa grande patience, réussit à faire triompher l'ancienne raquette... C'est sa 53eme victoire consécutive sur terre battue !


Christophe Roger-Vasselin avec la
fameuse raquette, surprenant 
finaliste de la Coupe Porée 
La colère commence alors à gronder chez les joueurs professionnels conservateurs qui craignent de voir le tennis changer de nature, et d'être obligés de se plier à cette mode. Les français notamment menacent ni plus ni moins de boycotter leur championnat national si cette "raquette spaghetti" y est autorisée ! Le Comité de Direction de la fédération internationale décide alors de se réunir le 1er octobre pour statuer sur le problème... En attendant, plusieurs fabriquants de raquettes, prudents, ont pris des options sur le brevet que l'allemand n'a pas manqué de déposer !

Le 25 septembre, le tournoi d'Aix en Provence commence avec un vide juridique et Nastase, toujours à la pointe de la provocation, adopte pour l'occasion l'instrument de la discorde. Le roumain met tout son talent au service de la nouvelle raquette, et s'amuse comme un fou. Alors que d'autres - Zugarelli et Gildemeister - préfèrent carrément abandonner, Vilas seul résiste et s'accroche avec sa raquette classique. Il souffre 5 longs sets contre Deblicker en demi-finale, mais craque ensuite contre Nastase. Le poignet usé après toute une saison d'invincibilité et de lifts sur terre battue, il est lui aussi écœuré après un premier set épuisant perdu contre le roumain... Il abandonne à la fin du deuxième set. Cette défaite met fin à une incroyable série de 57 succès d'affilée sur terre battue, un record qui ne sera battu que par Rafael Nadal en 2006.

Pour la raquette spaghetti, c'est la fin d'un bel été. Le 1er Octobre à Barcelone, la comité de la fédération internationale décide de ramener le calme, et interdit la nouvelle raquette jusqu'au mois de juillet suivant, date de l'assemblée générale. Autant dire que le double cordage est définitivement enterré. Les dirigeants vont profiter de ce long délai pour définir tout à fait officiellement ce que devait être un "cordage autorisé", et empêcher ainsi toute nouvelle polémique. Le tennis traditionnel semblait sauvé ! Hélas, en définissant avec soin ce que devait être un cordage, les dirigeants avaient oublié de définir ce que devait être une raquette ! Bientôt, l'apparition des grands tamis, puis des matériaux composites allait provoquer une nouvelle évolution décisive du jeu, et certainement plus tranchée que celle provoquée l'espace d'un été par la raquette à double cordage...
 
Philippe Chatrier, nouveau président de la Fédération Internationale prend
personnellement les choses en main: il ne prend pas le temps de se changer
pour essayer lui-même la "raquette spaghetti" et se faire une opinion !
 
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Nastase à Wimbledon. 
L'année 1977 est décidément riche en nouveautés, et le règlement va évoluer pour essayer de lutter contre les débordements de plus en plus fréquents de certains joueurs sur les courts : pitreries, voir gestes obscènes, insultes à l'arbitre, contestations, jets de balle ou de raquette et autres comportements agressifs... Ces gestes extra sportifs étaient jusqu'à présent sanctionnés par des amendes ridicules de l'odre de 250$. Les riches du circuit comme Nastase ou Connors pouvaient se payer pour pas cher des conduites provocantes, qui faisaient même quelque fois la joie du public... Les dérapages répétés d'un Nastase allaient donc pousser les dirigeants à prendre des mesures plus sérieuses et indépendantes du revenu des joueurs. Cette fois, les sanctions vont influer directement sur la partie en cours. Quatre niveaux de sanctions sont prévues au cours d'un match : avertissement, un point de pénalité, un jeu de pénalité, et enfin en cas de récidive, disqualification ! Des sanctions qui paraissent justes, mais ô combien difficiles à mettre en œuvre quand il s'agira d'appliquer la disqualification à la vedette d'un tournoi. Si Nastase, qui était personnellement visé par ce nouveau règlement, va vite faire l'objet de suspensions répétées, les arbitres vont encore longtemps hésiter avant d'exclure dès le premier tour une tête de série en pleine gloire comme Jimmy Connors, et bientôt John McEnroe...

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En décembre apparaît une nouvelle anomalie du calendrier tennistique : une deuxième édition des internationaux d'Australie portant le millésime 1977 est organisée. La finale tombe le 31 décembre, elle n'est avancée que de deux jours par rapport à l'édition précédente dite "de janvier". Cette modification n'attire pas les foules, et seulement deux joueurs parmi les dix premiers mondiaux font le déplacement : Vitas Gerulatis et Roscoe Tanner. Ce tournoi du grand chelem fait décidément bien pâle figure. C'est dans l'indifférence générale que Tanner perd au premier tour et que Gerulatis remporte son premier grand titre en grand chelem. Une victoire acquise difficilement en 5 sets contre l'anglais John Llyod. L'américain, victime de crampes au début du cinquième set, faillit abandonner,  mais réussit à dissimuler ses problèmes à son adversaire qui ne put en profiter... Vitas Gerulatis, le flamboyant américain, consolide ainsi sa place de N°4 mondial.

Gerulatis champion d'Australie
Tennis de France, février 1978
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Enfin, pour terminer une année particulièrement longue, le masters 1977 qui réunit les huit premiers du Grand Prix a lieu à New-York la deuxième semaine de janvier... Encore une anomalie qui en dit long sur les aberrations d'un calendrier trop chargé. Les joueurs entament en fait la saison 1978, et Connors chez lui, rappelle à tout le monde que le N°1 à l'ATP, c'est lui. Il est en pleine forme et il a soif de revanche : il triomphe de Borg en finale et annonce la couleur : après ses deux échecs en finale de Wimbledon et de l'US Open en 1977, 1978 sera l'année, du moins l'espère-t-il, de la vengeance !

<== Connors, vainqueur du masters 1977... en janvier 78

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Dernière mise à jour : 10 avril 2010
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Avril 2010. .