Le Baron Von Cramm
fait la une du Time, 1937
Les héros du grand chelem
Baron Gottfried Von Cramm
(All. 1909-1976)

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English translation


L'excellent service de
Von Cramm
  C'est en 1932 que le jeune aristocrate allemand Gottfried Von Cramm fait parler de lui pour la première fois. Il a 23 ans, un style très pur, un mental à toute épreuve, une sportivité et un fair play exemplaires. Il forme avec Daniel Prenn, un talentueux réfugié russe, une excellente équipe qui parvient jusqu'en finale interzones. C'est Prenn qui réussit à marquer le point décisif contre les anglais en battant Perry en demi-finale. Puis les allemands écrasent les italiens 5/0 au tour suivant. En finale interzones, les américains emmenés par Vines gagnent difficilement 3/2.
Ce beau parcours en coupe Davis reste cependant sans lendemains pour l'équipe allemande. Dès l'année suivante, les problèmes politiques créés par l'arrivée de Hitler au pouvoir obligent le malheureux Prenn à s'expatrier une deuxième fois. Il est accueilli par l'Angleterre, peu rancunière de la défaite de l'an passé. 

Voilà l'équipe allemande décapitée et Von Cramm se retrouve bien seul les années suivantes. Il faudra attendre l'arrivée d'un deuxième joueur de talent, Henkel, en 1937 pour que l'équipe allemande arrive de nouveau en finale interzones.


Van Cramm et Wimmer Allison
Demi-finale de Wimbledon
1935
  En attendant, Von Cramm se révèle un excellent joueur de simple et remporte les internationaux de France à Roland-Garros dès 1934. Il bat à cette occasion le tenant du titre, l'australien Crawford en cinq sets très disputés.  Il s'affirme alors comme un des meilleurs joueurs du monde. Il est dès l'année suivante l'incontestable numéro 2 mondial derrière Fred Perry, qui le bat en finales de Roland-Garros et de Wimbledon.

En 1936, il prend sa revanche sur Perry qu'il bat à Roland-Garros pour un deuxième titre. Son tennis est toujours plus sûr, plus brillant et il peut légitimement rêver enfin d'une victoire à Wimbledon. Mais sa deuxième finale contre le même Perry est un vrai désastre : il est battu 6/1 6/1 6/0 à la suite, il est vrai, d'une déchirure musculaire survenue pendant le premier jeu. Le baron n'a vraiment pas eu de chance,  mais se promet bien de revenir pour prendre sa revanche.

1937 aurait du être sa grande année. Perry passé professionnel, Von Cramm a alors l'expérience et la maturité requises pour devenir champion du monde. C'est en fait l'année de tous les malheurs. Avec l'arrivée de Henkel, l'Allemagne a enfin une équipe de coupe Davis soudée et une victoire dans cette compétition semble enfin possible. Mais la politique va s'en mêler de bien triste façon. Depuis les jeux olympiques de Berlin l'année précédente, il était clair que le régime nazi comptait bien se servir des sportifs comme outils de propagande. Von Cramm représentait aux yeux des dirigeants nazis l'incarnation idéale du demi-dieu aryen propre à faire rêver une jeunesse déjà bien hitlérienne. Mais il y avait un problème: le baron était dans l'opposition et ne s'en cachait pas. 

Henkel et Von Cramm formaient une excellente équipe de double
  Pour le mettre au pas, les dirigeants allemands refusent de l'inscrire à Roland-Garros, prétextant que le jeune Henkel saurait mieux défendre les chances allemandes. Il est vrai que Henkel était un bon allemand, inscrit au parti et qui saluait le public à l'hitlérienne à la fin des matchs! Mais l'on n'oublie pas pour autant la coupe Davis. Von Cramm, qui ne peut défendre son titre, est quand même inscrit en double avec Henkel et les dirigeants allemands louent les services d'un coach de renom, le grand Tilden lui-même. Les allemands vont de succès en succès: Henkel remporte facilement le simple et le double avec Von Cramm et l'équipe allemande se qualifie non moins facilement pour la finale européenne contre l'Australie.
 Il est favori pour le tournoi de Wimbledon, mais von Cramm trouve alors sur son chemin un jeune rouquin américain de 21 ans, Donald Budge qui met fin à tous ses espoirs de conquête. Battu en finale de Wimbledon en trois sets, von Cramm retrouve l'américain pour la finale interzones 2 semaines plus tard, pour le match décisif. Le contexte politique est difficile pour l'allemand qui est mis sous pression par ses dirigeants. Hitler lui-même lui donnera un coup de téléphone d'encouragement 5 minutes avant le début du match!

Après 5 sets d'une rare intensité, Budge qui a été mené tout au long du match, l'emporte finalement 6/8 5/7 6/3 6/2 8/6. "C'est la plus belle partie de tennis que j'ai jamais vue" commentera Tilden un peu plus tard. Et le baron déçu et épuisé, trouve la force de féliciter son adversaire :"Je suis content d'avoir perdu contre un homme comme toi"...

 

 

Hitler félicite Von Cramm après une rencontre.

Von Cramm et son capitaine 
Kleinschroth
  Un mois plus tard, il est de nouveau battu par Budge en 5 sets en finale de Forest Hills. Von Cramm a quand même la satisfaction de gagner le double avec Henkel, en battant Budge et Mako en trois sets, mais c'est une bien maigre consolation comparée à la défaite en coupe Davis. De plus, la domination de l'américain sur le tennis mondial est maintenant clairement établie.

La tournée australienne qui suit est un échec de plus. Van Cramm est battu sèchement par Bromwich en demi-finale des championnats d'Australie. Associé à Henkel,il perd également la finale du double contre Quist-Bromwich. C'est l'année où son grand rival Budge fait sa première levée de son grand chelem. C'est finalement un Von Cramm vaincu qui rentre en Allemagne où il est critiqué par ses dirigeants et  attaqué de toute part. Accusé d'être homosexuel, crime bien commode à l'époque en Allemagne pour se débarasser d'un opposant, il est immédiatement jugé et emprisonné!

Il passe l'année 1938 en prison, laissant la voie libre à son ami Budge pour le premier grand chelem de l'histoire. Mais le jeune américain, au cours de ses longs voyages, ne l'oubliait pas. Il avait en effet réuni les signatures de 25 sportifs américains pour envoyer une lettre de protestation à Hitler.  Libéré en mai 1939, Von Cramm arrive à Londres pour envoyer son inscription aux tournois du Queens et de Wimbledon. Pour une fois très mal inspirés, les dirigeants des deux clubs anglais se montrèrent extrêmement réticents à accepter la participation d'un paria qui sortait de prison, homosexuel de surcroît. Le fait que les accusations soient venues de la police de Himmler, que le procès se soit tenu dans un pays soumis à une dictature idéologique et sans droit à la défense, tout cela laissait froids les comités directeurs des deux clubs. L'homosexualité, vraie ou fausse, n'était pas encore acceptée dans les idées, et le simple fait d'avoir à prononcer ce mot suffisait à faire exclure l'allemand. Voyez les problèmes rencontrés par Tilden dans d'autres circonstances, pour une homosexualité bien réelle, celle là! 
A la suite d'une séance plus que houleuse, il est finalement accepté par le comité du Queens par 12 voix contre 11, mais les dirigeants de Wimbledon se montrèrent intraitables. Et c'est bien dommage, car le Baron a probablement perdu là l'occasion tant attendue de remporter enfin son premier Wimbledon. Il gagne en effet le tournoi du Queens en battant en finale un certain Bobby Riggs, jeune américain de 20 ans, sur le score sans appel de 6/1 6/0. Riggs devait remporter deux semaines plus tard les trois épreuves de Wimbledon!

Von Cramm et Riggs
avant la finale du Queens

Van Cramm en compagnie de Gustave V,
roi de Suède et passionné de tennis.
  Comme tout le monde, Von Cramm est pris dans le tourbillon de la guerre, et il est envoyé en Russie comme simple soldat, bléssé et décoré de la croix de fer. En 1944, il est accusé de complicité dans le cadre de l'attentat contre Hitler et réussit à survivre aux interrogatoires de la Gestapo. C'est finalement en Suède, où il est recueilli par le roi Gustave V, qu'il passera la fin de la guerre. Von Cramm doit probablement la vie à  intervention de ce dernier auprès des allemands. Le souverain suédois était en effet un passionné de tennis, grand admirateur des  grands champions de son époque, avec qui il aimait jouer des doubles lors de ses séjours sur la Côte d'Azur. Borotra et Cochet, notamment, figuraient parmi ses partenaires préférés. 

Pendant la deuxième guerre mondiale, Gustave V n'oubliait pas ses amis. Outre Von Cramm qu'il accueillit, il intervint personnellement auprès des autorités allemandes en 1942 en faveur de Borotra qui venait d'être arrêté par la Gestapo.  Il réussit à lui éviter ainsi une condamnation immédiate à la peine de mort...

Après la guerre, Von Cramm revint s'installer en Allemagne pour devenir importateur de coton et s'occuper de sa ferme du Hanovre. En signe de deuil, pour marquer la tristesse que lui causaient les malheurs arrivés dans  son pays, il ne portait plus que des cravates noires. 

Henkel disparu à Stalingrad, Von Cramm redevint alors le numéro 1 de son pays. Interdit de toutes les compétitions internationales, comme tous les sportifs allemands, jusqu'au début des années 50, il fit un retour remarqué à Roland-Garros en 1953 à l'occasion d'un match de coupe Davis. C'était seize ans après sa dernière apparition. Il avait alors 44 ans et fut battu par le jeune espoir français de l'époque, Robert Haillet.  Von Cramm était alors avec Borotra un des derniers joueurs de tennis d'avant la guerre encore en activité. Et comme Bortotra, il jouait encore en pantalon!

 


A Roland-Garros, 1953

Von Cramm vaiqueur d'un 
tournoi de tennis
1951

M. et Mme Von Cramm
1949

Voici ses résultats en grand chelem : 2 simples, 2 doubles messieurs, 1 double mixte


Roland-Garros Simple Messieurs 1934
1936
Double Messieurs 1937   H.Henkel
Wimbledon Double Mixte 1933   H. Krahwinkel
Forest Hills Double Messieurs 1937   H.Henkel

 

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Dernière mise à jour : 24 Mai 2000
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Mars 2000.