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(31) 1956 : 
Le grand chelem raté
de Lewis Hoad
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En janvier 1956, cela fait déjà 4 ans que les Whiz Kids écument les tournois du grand chelem. Contrairement à Rosewall, qui lui en est déjà à sa 5ème finale pour trois victoires, Lewis Hoad, à 21 ans n'a toujours pas remporté une seule grande épreuve de simple. Classé numéro 3 mondial à la fin de la saison 55, capable du meilleur comme du pire, Hoad avait été jusque là un joueur pour le moins irrégulier. Brillant en coupe Davis, notamment contre Trabert, extraordinaire joueur de double que ce soit avec Rosewall ou Hartwig, il pouvait être irrésistible quand il était concentré et décidé à vaincre. 

Hoad et sa Dunlop Maxply
Roland-Garros, 1956
  Au cours des longues tournées en Europe et aux USA, tournées qui duraient de 5 à 6 mois, il avait quelque fois l'air de s'ennuyer, montrant parfois un manque d'enthousiasme qui lui faisait accumuler les contre performances. Son tennis tout en puissance ne souffrait pas la moindre faiblesse. Hoad imposait son jeu de service-volée, frappait le plus fort possible tous ses coups de fond de court pour attaquer à la première occasion, il ne cherchait pas à s'adapter aux circonstances du jour ou au jeu de son adversaire. 1956 va être pour lui l'année de la consécration. Hoad qui vient de se fiancer avec Jennifer affiche enfin une sérénité à tout épreuve et balaye Rosewall en finale de la première grande épreuve de la saison en Australie.
Trabert passé professionnel, aucun nouveau joueur américain ou européen ne semble pouvoir rivaliser avec les deux australiens. Leurs plus sérieux adversaires sont encore les américains Seixas et Savitt, déjà plus que trentenaires. Et c'est l'Australie qui détient le plus grand nombre d'espoirs sérieux, tous sortis de ce qu'on commence à appeler "l'usine Hopman" (The Hopman Factory). Outre Rosewall, Hoad, Rose et Frazer, Hopman s'embarque pour l'Europe avec une armée de jeunes âgés de 16 à 20 ans. Ils s'appellent Cooper, Anderson, Gibson, Emerson, Marks ... et un gaucher rouquin tout juste âgé de 17 ans, Rod Laver.  

Hoad et Davidson, 
 Avant la finale, Roland-Garros, 1956
A Roland Garros, Hoad est impérial. Service volée, un poignet de fer, une confiance totale et c'est sans opposition que l'australien s'impose, battant en finale le suédois Davidson. Sans opposition ? Et Rosewall dans tout cela ? Pour une raison que j'ignore, il n'est pas là, ce qui a sans aucun doute facilité la tâche de son ami. En double Hoad, associé à son compatriote Cooper, arrive en finale mais rate le doublé, battu par une paire américano-australienne de circonstance: Perry-Candy. Cette unique défaite en double lui fera rater une magnifique occasion de remporter un grand chelem en double puisqu'avec Rosewall, il gagnera les trois autres grandes épreuves de la saison.
A Wimbleon, Hoad profita de son séjour londonien pour épouser Jennifer huit jours avant de remporter sur Rosewall sa troisième finale victorieuse de l'année. Une très belle finale que Rosewall aurait pu prolonger  puisqu'il réussit le break au 4ème set pour mener 3/1 puis 4/2. Hoad se reprit alors de façon magistrale, servant de plomb, appuyant ses coups droits et pilonant le revers de son ami avec des boulets de canons qui finirent par le dérégler. Hoad fait les 4 derniers jeux pour conclure 6/4 4/6 7/5 6/4. Cette 3eme levée fait de Hoad un vainqueur possible du grand chelem, comme seuls l'avait été avant lui Crawford en 1933 et Budge en 1938...  

Hoad en volée de revers, Wimbledon, 56

Wimbledon 1956
  Mais comme tous les ans maintenant,la gueguerre entre tennis professionnel et amateur va se rallumer. Face aux mirifiques propositions de Kramer (50.000§ de garanti pour la première année), les jumeaux réfléchissaient. A 21, mariés tous les deux,ils vivaients des indemnités que leur versait la fédération australienne et n'avaient aucune situation ni source de revenus. De leur côté, leurs dirigeants faisaient tout leur possible pour les convaincre de rester par des propositions d'emplois salariés plus ou moins fictifs, mais qui ne pouvaient suffire.

Rosewall et Hoad font la une du journal américain "World Tennis"

Rosewall le premier prit la décision de rejoindre Kramer, mais il voulait faire monter les enchères. Pour son dernier grand tournoi chez les amateurs, il arriva à Forest Hills en septembre avec une énorme motivation, bien décidé à ne pas repartir les mains vides. Hoad de son côté était impressionné par l'enjeu, C'est très tendu qu'il arriva à un match de l'exploit. Pour la troisième fois de l'année, il rencontrait Rosewall en finale, et là, il ne réussit pas à maîtriser sa nervosité, son bras se mit à trembler... Dans un stade balayé par des rafales de vent, il se mit  à frapper très fort sur toutes les balles, comme à son habitude. Il prit le premier set, puis accumula les erreurs devant un Rosewall impérial qui ne ratait plus rien. Score finale 4/5 6/2 6/3 6/3. Voici ce qu'en dit Tennis de France à l'époque :"Le nouveau champion d'Amérique est un grand artiste. Ses réflexes et son fond de jeu de court sont les plus remarquables du monde et ses volées sont incisives. Seul son service laisse à désirer, mais c'est assez normal chez un joueur de sa stature." Pour son dernier tournoi amateur, Rosewall se déchaîne et remporte la triple courronne: double messieurs avec Hoad, et double mixte avec Margaret DuPont.  

Forest Hills, 1956

"Tennis : un problème de 100.000$" titre ce 
journalanglais après la victoire de 
Hoad sur Cooper...
  Maintenant, Rosewall pouvait sereinement renégocier à la hausse avec Kramer. C'est finalement pour 65.000$ qu'il accepta un contrat pour une série de 100 rencontres avec Pancho Gonzales. Le contrat fut signé le lendemain d'une victoire sans surprise en coupe Davis contre les USA à la fin de l'année 1956. Les successeurs de Trabert jouaient un ton en dessous. Vic Seixas, Herbert Flam, et Sam Giammalva ne réussirent à gagner que trois sets pendant toute la rencontre.

Hoad de son côté se laissa tenter par une nouvelle saison amateur. Offre alléchante de sa fédération, ou désir de tenter une nouvelle fois un grand chelem qu'il avait manqué de si peu ? Un peu des deux sans doute. Mais Rosewall parti, Hoad se remit à accumuler les contre-performances inattendues. C'est à ce moment qu'il commença à ressentir des douleurs dorsales qui l'empêchaient de servir. Battu par Fraser aux championnats d'Australie, battu encore par son compatriote Neil Gibson à Roland-Garros (après avoir mené deux sets à zéro!), il se retrouve pleinement à Wimbledon pour sauver un saison qui s'annonçait désastreuse. Du grand Hoad, concentré du début à la fin pour gagner avec un facilité déconcertante, ne laissant en finale que 5 jeux à son compatriote Cooper, le tout bouclé en 48 minutes!

Fort de ce succès, Hoad trouva plus prudent d'accepter sans tarder une nouvelle offre de Kramer, à 100.000$ cette fois! Son dos commençait à l'inquiéter et il préférait assurer son avenir plutôt que d'attendre la fin de saison et de risquer un accident avant d'avoir signé... Avec Hoad disparaissait du tennis amateur le dernier des grands champions de la décennie. Après lui, il faudra attendre Rod Laver pour retrouver un joueur de la classe des "Whiz Kids".
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Dernière mise à jour : 10 avril 2010
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Avril 2010. .