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J.Newcombe et T.Roche, première victoire à Wimbledon, 1965
(42) 1965-67 Newcombe-Roche, 
et les dernières années 
du tennis amateur


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Emerson en démonstration. Avec Stolle
il remportera quatre titres de double
en grand chelem en 65 et 66.
  Avec une régularité de métronome, Hopman continuait d’amener au sommet de la hiérarchie mondiale les jeunes talents australiens. Les successeurs de Laver, Emerson et Stolle s’appellent John Newcombe et Tony Roche. Comme leurs prédécesseurs, ils suivent la discipline imposée par Hopman, font de la musculation, s’entraînent à longueur de journée, et surtout jouent les doubles avec le même sérieux et le même enthousiasme que les simples, comme si toute leur carrière en dépendait. Les autres grandes nations du tennis, médusées par cette avalanche de succès cherchaient des explications (les australiens dominaient aussi bien par le nombre que par le talent chez les amateurs comme chez les professionnels). Qualités exceptionnelles d’un entraîneur ou chance insolente d’un découvreur de talent à la main particulièrement heureuse ? Un peu des deux sans doute. Mais surtout, depuis Sedgman et McGregor, tous les australiens sans exceptions sont d'excellents spécialistes du double. Ils y acquièrent réflexes, rapidité, adresse et une exécution quasi parfaite du service volée qu'ils imposent ensuite en simple sur n'importe quelle surface quelque soit l'adversaire... Emerson par exemple était connu pour être un joueur beaucoup plus spectaculaire en double qu’en simple. Et il faut rappeler que dans les années 60, quatre australiens en double sur le central de Wimbledon enchantaient plus le public, qu’une finale ordinaire Emerson-Stolle …
C’est dans un tennis amateur en crise, de plus en plus déserté par les meilleurs joueurs, que Newcombe et Roche vont faire un début de carrière prometteur. Newcombe avait été sélectionné à 19 ans pour la finale de la coupe Davis dès 1963. Il avait perdu ses deux simples et depuis semblait marquer le pas. Il s’était par contre révélé un exceptionnel joueur de double dès l’année suivante avec Tony Roche, son cadet d’un an. Ce puissant gaucher avait des épaules de déménageur, et malgré cela se déplaçait avec une vitesse étonnante. Son service et surtout sa volée de revers faisaient de Tony Roche le partenaire de double idéal et il semblait promis en simple à un rôle secondaire au côté de Newcombe. Les deux australiens jouent une première finale à Roland Garros en 64, et remportent Wimbledon dès l’année suivante. 

Gulyas et Roche
Finale Roland-Garros, 1966
  En simple, on attendait l’épanouissement de Newcombe, mais c’est Roche qui va se distinguer le premier là où on ne l’attendait pas: sur la terre battue de Roland-Garros. En 1965, à 20 ans, il est finaliste surprise contre Stolle après avoir éliminé le favori son compatriote Roy Emerson. Il récidive l’année suivante et gagne cette fois au cours d’une finale qui eut une rare intensité dramatique. Non pas paur la qualité du tennis pratiqué, ni à cause du score, mais pour des raisons médicales. Roche en effet s’était blessé à la jambe gauche la veille de la finale en jouant sa demi-finale de double. Les médecins diagnostiquèrent une « synovite » ce qui nécessitait au minimum 24h de repos absolu. En principe, c'est l'abandon, mais le hongrois Gulyas, son adversaire en finale, accepte sportivement de décaler le match d'une journée. Pour ce renvoyeur infatigable déjà âgé de 35 ans, il n'est pas envisageable de gagner par forfait un titre aussi pretigieux. Cette place en finale est déjà son baton de Maréchal, Après 24 heures de repos et une piqûre de novocaïne, Roche est en état de jouer. Mais il n'est pas guéri et l'effet du médicament de durera pas plus de deux heures... L'australien survolté l'emporte finalement en une heure et demi après un festival de service-volées et des attaques terriblement liftées... La pauvre Gulyas est complètement débordé laisse filer le match, mais avait-il seulement la volonté de faire durer la partie pour attendre que la blessure de son adversaire se réveille et le forcer ainsi à l'abandon ?
Les spectateurs ne trouvèrent guère l’occasion de s’enflammer au cours de cette finale jouée contre la montre, avec pour seule incertitude, la durée de l’effet de la piqure ! Heureusement, le public de Roland-Garros avait eu l’occasion de s’enthousiasmer pour français plein d’avenir. En quart de finale, François Jauffret, 24 ans, réalise sa première grande performance internationale de haut niveau grâce à sa victoire sur le N°1 mondial Roy Emerson (6/4 au 5eme) ! Une performance que le français ne confirmera pas en se faisant battre par Roche au tour suivant trois sets à zéro ! Mais à 24 ans, on est déjà plus un espoir et si François Jauffret sera le plus solide pilier de l'équipe de France dans les dix années suivantes, il n'aura guère l'occasion de briller ailleurs sur sur la terre battue de Roland-Garros et en coupe Davis.
A Wimbledon un mois plus tard, Roche est tête de série N°2, mais mal remis, préfère s'abstenir du double. En simple, il atteindra les quarts de finale. C'est l'australien de Honk-Kong Ken Fletcher qui le remplace au dernier moment au côté de Newcombe. Cet excellent spécialiste auteur du premier grand chelem en mixte en 1963 avec Margaret Court, va faire un grand Wimbledon: il remporte le double messieurs et le double mixte, et en simple, après avoir élmininé Newcombe en 5 sets, il échoue de justesse contre Santana en quart de finale 7/5 au cinquième. Mais le véritable héros de ce Wimbledon 66 est un autre australien Owen Davidson: en demi-finale, mené 5/1 au cinquième set par Santana, il réussit à remonter à 5/4, sauve trois balles de matchs sur le service de l'espagnol et égalise à 5 partout avant de s'effondrer...


Newcombe en finale de Forest Hills, 1966.


Roche à Wimbledon, 1966.
La fin de l'année 1966 et toute l'année 1967 confirment les progrès réguliers des deux australiens. Mais l'ambiance ne cesse de se dégrader, le public regarde avec de plus en plus de septicisme les vainqueurs des tournois du grand chelem alors que les désertions continuent dans les rangs amateurs. Stolle, après une ultime victoire à Forest Hills, passe professionnel. L'américain Dennis Ralston l'accompagne, ce qui décapite une fois de plus l'équipe de coupe Davis des Etats-Unis... Emerson et Santana, professionnels officiels de leur fédération, font de plus en plus figures de scandale et les journaux n'hésitent plus à publier officiellement les sommes qu'ils demandent aux organisateurs de tournois pour leur participation. Herman David, le président du club de Wimbledon, dénonce sur un ton de plus en plus virulent, cette situation grotesque qui prive son tournoi des meilleurs joueurs. Du côté des dirigeants australiens, le ton est radicalement différent. La nation détentrice de la coupe Davis trouve manifestement son intérêt à cette situation, puisqu'elle se dit prête, Harry Hopman en tête, à lutter à mort contre le tennis "Open"...
C'est dans cette ambiance de guerre de tranchée  que Newcombe va s'affirmer comme le successeur de Roy Emerson. Les deux australiens se partagent les titres de simple en 1967. A l'ancien "Emmo" le titre australien (le sixième d'affilé) et Roland-Garros, et au nouveau "Newc" Wimbledon et Forest Hills. Quant à Roche, il confirme qu'il est à l'aise sur terre battue en participant à sa troisième finale consécutive à Roland-Garros. En double, Newcombe et Roche ratent le grand chelem de peu, échouant seulement à Wimbledon contre une paire australo-sud-africaine pleine d'avenir Hewitt McMillan. Les jeunes américains Ashe (finaliste en Australie) et Graebner (Finaliste à Forest Hills) ne sont pas encore au niveau. Wimbledon cette année là montra un spectacle bien décevant avec une hécatombe de tous les favoris où seul Newcombe sut faire preuve de régularité et de combativité. A 23 ans, il impose son service volée, son grand coup droit, un solide mental et une condition physique sans faille. Il trouve sur son chemin Stan Smith (futur vainqueur de l'épreuve), Niki Pilic le tombeur d'Emerson et en finale le modeste allemand Bungert, probablement le premier surpris de se retrouver à ce stade de la compétition puisqu'il n'avait rencontré aucune tête de série (score finale 6-3 6-1 6-1). Le public britannique se consola avec l'appartion en demi-finale d'un jeune anglais plein d'avenir Roger Taylor...

L'allemand Bungert au cours d'une 
finale bien décevante

Graebner à Forest Hills,
apparition de  la raquette 
métallique inventée par
René Lacoste.
Les victimes de Newcombe en finale de Wimbledon et Forest Hills
 

Pendant ces dernières années du tennis amateur, l'Australie continuait à dominer la coupe Davis de la tête et des épaules. Il est vrai que le règlement du le challenge round à domicile favorisait la nation détentrice du trophée. Mais les autres rencontres entre les nations challenger montraient à quel point le tennis amateur était tombé bien bas. En 1966, les australiens dominent les indiens Krishnan et Mukerjea, complètement inattendus à ce stade de la compétition. Emerson et Stolle se promènent, mais curieusement les indiens sauvent l'honneur en double en dominant Newcombe et Roche en 4 sets.

Deux affiches de rencontre de coupe Davis, 1966.

En haut, les américains reçoivent leur voisin mexicain sur le terre battue de Cleveland et chez eux, ne se laissent pas surprendre. Mais au tour suivant, contre le Brésil, c'est la catastrophe. Sur la terre battue Porto Alegre au Brésil dans une ambiance survoltée, Ralston s'effondre dans le dernier simple décisif,  6/1 au cinquième contre Mandarino.
Cette victoire ne profitera pas aux brésiliens, qui s'étaient inscrits dans la zone européenne où ils avaient déjà battu les espagnols et les français. En finale interzone sur l'herbe de Calcutta (affiche de gauche), le brésiliens sont beaucoup moins à l'aise et ce sont les surprenants Indiens qui ont le redoutale honneur d'affronter les Australiens en finale. Défaite sans surprise 4/1.

En 1967, c'est un Santana retrouvé qui qualifie à lui tout seul l'équipe espagnole pour la deuxième fois en finale. Santana et Orantes sont battus 4/1. Quant à l'équipe américaine, elle continue sa déscente aux enfers malgré de jeunes talents prometteurs (Ashe, Richey, Graebner...) qui n'ont pas les nerfs assez solides pour les matchs de coupe Davis! L'équipe américaine est battue sans gloire au premier tour par l'Equateur! Cette fois, c'est Arthur Ashe qui se montre incapable de se maîtriser et qui perd le match décisif contre un modeste joueur inconnu Francisco Guzman.


Orantes, Santana, Gisbert, Arilla en Australie, 1967.


Equipe Australienne, Coupe Davis 1966
Hopman, Emerson, Stolle, Newcombe et Roche.
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Rien ne semblait annoncer alors un quelconque changement dans la politique des dirigeants du tennis de l'époque. Au contraire, un pur et dur défenseur de l'"amateurisme", l'italien De Stefani, est élu à la tête de la fédération internationnale. Les positions semblaient figées pour longtemps. Et pourtant, comment ne pas voir que l'intérêt même des joueurs était d'aller vers le professionalisme? A la fin de l'année 1967,cinq des meilleurs jeunes amateurs - dont Newcombe et Roche - s'apprêtent à signer un contrat avec un nouveau promoteur, le milliardaire texan Lamar Hunt. La révolution est en marche...
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Dernière mise à jour : 10 avril 2010
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Avril 2010. .