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(70) 1981 :
Le diable au paradis
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1980-1981 : La dernière de Borg


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Le diable, c'est John McEnroe, joueur génial, mais dont le comportement sur les courts est parfois insupportable. Quand il s'y met, c'est un vrai caractère de cochon, la terreur des arbitres et une formidable tête de turc pour les journalistes britanniques qui s'en donnent à cœur joie dans leurs tabloïdes à scandale. En juin 1981, après sa déconvenue de Roland-Garros, il arrive à Londres avec la ferme intention de gagner enfin Wimbledon, détrôner le quintuple tenant du  titre et N°1 mondial, et effacer la terrible défaite de l'an passé...
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Le tournoi du Queens début juin donna un avant goût de l'ambiance qu'allait créer l'américain à Wimbledon. Il eut un match plus que houleux avec Hank Pfister, puis en finale d'interminables et inutiles discussions avec l'arbitre. Malgré une victoire facile contre Brian Gotfried, McEnroe fit à cette occasion une impression lamentable qui ne devait qu'empirer par la suite. Bref, manifestement, l'américain etait nerveux, et il faisait monter la tension avant le début de Wimbledon.

McEnroe pendant son premier match 
contre Tom Guilikson. Ça discute...
Comme on pouvait le craindre, le premier tour devait confirmer les mauvaises dispositions de McEnroe. Opposé au modeste américain Tom Guilikson, il eu un comportement insupportable tout au long du match malgré une victoire finalement obtenue assez facilement : discussion avec les juges de ligne qu'il traitait d'incapables, palabres avec l'arbitre, jets de raquette, insultes et invectives criées haut et fort à lui même dès qu'il ratait une balle... Bref, McEnroe se mit inutilement tout le monde à dos - officiels, public, arbitres et journalistes - sans que cela puisse être justifié par quoique que ce soit ! A tel point que les journalistes finirent par se demander non sans raison pourquoi un tel comportement n'était pas sanctionné par l'exclusion pure et simple du tournoi ! Mais quand on est un arbitre de chaise inconnu, peut-on prendre la responsabilité d'expulser le N°2 mondiale de Wimbledon dès le premier tour? 
McEnroe écopa tout de même de 1500 livres d'amende pour ce premier match - une paille -, mais plus grave, entre la presse britannique et John McEnroe, le divorce etait consommé. L'américains était définitivement classé parmi les gamins mal élevés à ne pas fréquenter sous aucun prétexte, et capable de tous les forfaits, Trois jours plus tard, il faisait la une des journaux pour excès de vitesse, - oh le vilain ! - alors que c'était Peter Fleming qui conduisait la voiture... Dans ce contexte, les conférences de presse avec les journalistes britanniques allaient vite tourner au vinaigre, surtout que les questions ne portaient que sur sa vie privée, ses relations avec sa petite amie du moment, ou ses supposés démêlés avec la justice britannique...
McEnroe essaye de casser sa raquette
Avertissement en vue...
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McEnroe en pleine discussion pendant
sa demi-finale contre Frawley.
Conscient d'avoir dépassé les limites du raisonnable, McEnroe eut jusqu'en demi-finale des matchs plus tranquilles pendant lesquels il réussit à se tenir à peu près correctement. Les choses se gâtèrent à nouveau pendant sa demi-finale contre Rod Frawley, un modeste australien, 110eme mondial, arrivé là sans avoir battu une seule tête de série. Trop confiant, McEnroe débuta mal ce match piège en perdant son service, et très vite s'énerva contre lui-même. L'arbitre, un certain George Grimes, ancien commandant dans l'armé britannique, était plutôt du genre autoritaire et méprisant. Entre le représentant de l'Empire Britannique et le sale gosse de la banlieue de New-York, les relations vont être exécrables tout au long du match. A chaque réaction bruyante et déplacée que McEnroe se faisait à lui-même quand il ratait des balles faciles, l'arbitre prenait ces invectives pour lui, et répondait sur un ton autoritaire et méprisant qui avait le don d'énerver encore plus l'américain. Si le match fut finalement remporté sans trop de suspense en trois sets disputés, le rapport que fit l'arbitre aux autorités du tournoi fut tellement accablant que McEnroe écopa d'une amende de 10.000 livres.
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Wimbledon 1981 : McEnroe dans son plus mauvais rôle...
Dans l'autre demi-finale, Borg retrouvait son vieux rival, Jimmy Connors, en grand retour de forme. Le suédois, qui n'a pas perdu un set depuis le début du tournoi, est en plein confiance face à l'américain qu'il avait facilement battu en trois sets lors de leurs deux dernières rencontres sur la gazon londonien. Et pourtant, devant un public médusé, Connors va facilement remporter les deux premiers sets 6-0 et 6-4 ! C'est un Connors rugissant et déchaîné qui transperce Borg dans tous les compartiments du jeu, un Connors comme on n'en avait pas vu depuis longtemps ! Mais à 29 ans, l'américain ne tient pas le rythme. Il cède le troisième 6-3 puis laisse filer le quatrième 6-0. Le dernier set est une lutte pathétique entre un Borg impérial et un Connors qui se bat comme un lion pour ne pas céder. Deux fois, il sauve son engagement après avoir été mené 0-40. A 3 partout, encore mené 0-40, il perd finalement son service après avoir sauvé deux balles de break. Au jeu suivant, il a encore deux balles d'égalisation à 4 partout, mais Borg ne cède pas et l'emporte logiquement 6-4. Quelle  bataille ! Connors venait de montrer qu'il faudrait compter avec lui quelques années encore !

Connors déçu pendant sa demi-finale 
contre Borg...
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La revanche que tout le monde attendait eut donc bien lieu. Mais sans atteindre les sommets d'émotion et d'intensité de l'année passée, la finale tint toutes ses promesses, et comme dans toutes les grandes occasions, le comportement de McEnroe fut exemplaire. Comme quoi quand on veut... Et comme l'année précédante, c'est un McEnroe entreprenant qui attaque et prend tout de suite le jeu à son compte. Il accumule  les balles de break, mais ne peut en transformer aucune. Borg à plus de chance sur l'unique balle de break qu'il se procure,et cela lui suffit pour remporter ce premier set si important. Au deuxième set, le jeu s'équilibre,et c'est au tie-break que McEnroe réussit a faire la différence avec autorité 7 points à 1.
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 Le troisième set promet d'être décisif. Cette fois, c'est Borg qui a pris le contrôle du set. Son service et ses retours sont enfin réglés,et sa concentration est formidable. Il fait le break le premier,trop tôt probablement car il mène 3-1 puis 4-2 avant de perdre enfin son service devant un McEnroe qui rend coup pour coup. A 5-4, c'est le tournant du match. Grâce à ses formidables passing, Borg se procure 4 balles de set, qui sont déjà presque des balles de match. Qu'il en gagne une, et c'est la promesse d'un cinquième set, et donc d'une probable sixième victoire, tant sa solidité dans les manches décisives est légendaire. Mais McEnroe est mentalement au sommet. Il efface ses 4 balles de break avec sérénité, égalise et pousse Borg dans un deuxième tie-break. Cette fois, l'américain a pris l'ascendant sur son rival, et lui fait vite savoir. Il prend les deux premiers points sur le service de Borg par deux retours gagnants et mène 3-0. Il ne sera plus rejoint. Le quatrième set n'est plus qu'une formalité pour l'américain qui n'est plus jamais inquiété sur son service. Borg semble résigné, et son service qui n'a plus tout a fait son efficacité habituelle, devient son point faible. C'est finalement très tranquillement que McEnroe, une fois le break réalisé, se dirige vers son premier titre à Wimbledon, victoire mille fois méritée. Un ultime enchaînement service-volée et l'américain hurle sa joie. Cette fois, la place de N°1 est à portée de raquette...

McEnroe pendant la finale

Jeu set et match pour McEnroe. C'est la fin d'un règne.
A quoi peut bien songer Borg ? Aux quatre balles 
de set perdues dans le 3eme set ?

McEnroe et Borg quittent le court. 
Évidemment, cette victoire ne faisait pas plaisir à tout le monde, et notamment aux dirigeants de Wimbledon, peu enthousiastes à l'idée d'accueillir dans leurs rangs un gamin aussi mal poli, et sur le compte duquel ils avaient reçu tant de rapports d'arbitrage dévastateurs... Ce climat délétère contribua à créer un incroyable imbroglio qui mit une tâche sur la fin du tournoi. A la suite de plusieurs malentendus savamment entretenus par les dirigeants du club, l'incompréhension fut totale entre les représentants de l'establishment britannique et le père de McEnroe. Incapable de comprendre les règles très strictes qui régissaient l'organisation de la soirée de clôture, malgré plusieurs échanges avec un représentant du club manifestement peu enclin à faire des concessions, McEnroe préféra finalement s'abstenir plutôt que d'être accueilli fraîchement sans avoir le droit d'inviter sa famille, ou quelques amis... McEnroe fut ainsi le premier - et unique jusqu'à ce jour - vainqueur de Wimbledon à ne pas devenir automatiquement membre du club après sa victoire ! Une brimade de plus - les 10.000 livres d'amende étaient toujours en suspens - qui sera finalement effacée l'année suivante...

Beau doublé de McEnroe vainqueur du double avec 
Fleming Un exploit de plus en plus rare...
La place de N°1 mondial se jouera donc à  l'US Open en septembre. En attendant, 5 jours après sa victoire, McEnroe subissait une étonnante défaite en trois sets (6-4 14-12 7-5) contre le tchèque Ivan Lendl en coupe Davis. Le match se jouait pourtant à Flushing Meadow, mais McEnroe en pleine décompression manquait singulièrement de ressort dans la chaleur New-Yorkaise. Cela pouvait se comprendre ! Ce fut heureusement la seule défaite américaine de la rencontre, et McEnroe put ainsi continuer son parcours victorieux dans cette épreuve à laquelle il était particulièrement attaché.  

Coupe Davis : McEnroe et son capitaine Arthur Ashe
9 juillet 1981 à New-York. Quelle chaleur !
L'inévitable explication finale entre Borg et McEnroe eut lieu comme prévue à Flushing Meadow le 13 septembre 1981. Une finale attendue, mais perturbée par des menaces de mort reçues la veille à l'encontre de Borg, et qui vaudront à ce dernier la présence d'un policier sur le court pendant la finale... Pour le reste, le scénario du match fut quasiment identique à celui de Wimbledon : Borg qui commence par contrôler le match en remportant le premier set, qui perd le second 6-2 et fait le break dans le troisième pour mener 4-3 sur son service. C'est le tournant du match. McEnroe en pleine confiance réussit deux retours croisés puis deux lobs liftés à contre-pied et le break est effacé. A 5-4, c'est presque le même scénario. L'américain accélère encore et ses retours meurtriers laissent le pauvre Borg sur place. L'issu du quatrième set ne fait plus de doute et le suédois, étouffé par McEnroe, se met à faire des erreurs. Score final 4-6 6-2 6-4 6-3 et un troisième titre d'affilé pour l'américain qui méritait largement sa victoire, complété comme à Wimbledon par le titre de double avec Fleming.
Mais pour conclure sur l'US Open 1981, il ne faudrait pas oublier l'exploit réalisé par deux commentateurs de télévision, inscrits un peu par hasard en double pour s'amuser et passer le temps pendant la première semaine du tournoi. John Newcombe, 36 ans, et Fred Stolle, 43 ans, tous deux anciens vainqueurs de l'épreuve et en semi-retaite, se retrouvent en effet sur les courts comme aux plus beaux jours de la domination australienne pour montrer aux jeunes ce que que jouer en double veut dire ! Et les voilà à la surprise générale qualifiés en demi-finale face aux favoris de l'épreuve Fleming-McEnroe. Entre ces quatre spécialistes du double, le match tint toutes ses promesses. Après avoir perdu les deux premiers sets, les anciens réussirent l'exploit d'arracher les deux sets suivants en montrant une fraîcheur physique et une bonne humeur qui enchantèrent les spectateurs. Devenus méfiants, Fleming et McEnroe durent attendre le tie-break du cinquième set pour conclure facilement au dernier jeu décisif. Ouf ! 

Les anciens Newcombe et Stolle, pendant leur 
demi-finale perdue 6-2 6-2 5-7 6-7 7-6 !
Mais l'ambiance devenait tendue du côté des américains : dans le dernier set, alors que Stolle montrait à l'arbitre la marque d'une balle faute, McEnroe eut cette réaction digne de sa réputation : " - Mais oui, Fred, n'importe quelle vieille marque aurait fait l'affaire !". Incorrigible McEnroe... Qui a dit qu'il n'avait pas d'humour ?

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Mars 2000. Mise à jour Mai 2009